Les prostituées chinoises sont demandées en Lorraine. Le démantèlement en janvier d’un premier réseau avait mis les hommes de la Police aux frontières en éveil. Ils viennent de faire tomber une autre organisation active à Metz et Nancy. « Un modèle de traite d’êtres humains. »
Au jeu des comparaisons, les connaisseurs de ce dossier le situent à un niveau d’organisation « encore jamais vu ici. Celui qui a été démantelé en janvier était artisanal, à côté. » Ce qui ne change pas, c’est l’intérêt des clients lorrains pour les femmes chinoises. « Ces réseaux de proxénétisme s’installent là où il y a de la demande, mais aussi là où il n’y a pas trop de concurrence », confie la même source. Sur la carte de France, on trouve leur trace du côté de Nantes, Beauvais, Cannes, Nice, Marseille, Limoges, dans le nord de la France aussi. À Metz, et à Nancy, donc. Un renseignement anonyme a conduit les enquêteurs de la brigade de recherches mobiles (BMRZ) de la police aux frontières de Metz à s’intéresser à un petit appartement d’une résidence cossue des beaux quartiers nancéiens.
L’appartement avait vue sur la rue. « Par mesure de sécurité. Les affaires d’extorsions d’escort-girl ne sont pas rares. » L’appartement n’a reçu que la visite de clients. Et ils étaient nombreux. Ça a fini par « jaser » dans le quartier.
Une douzaine de femmes identifiées
Les jeunes femmes employées débarquaient en France sous couvert de visa touristique. Mais restaient plus longtemps que les trois mois légaux. Une fois sur le territoire, elles étaient prises en charge et transportées directement dans les logements loués. A priori, les propriétaires n’étaient au courant de rien. « À la tête de cette organisation se trouvait un couple qui recrutait et qui faisait venir les filles pour les prostituer. » Sur place, un homme servant de taxi les acheminait de ville en ville. « Il n’y avait aucun risque qu’elles se sauvent. Elles étaient complètement perdues. Ne parlant pas notre langue, elles sortaient rarement des logements de passe. »
Les hommes de la BMRZ ont vu la bande opérer. « On a travaillé avec les unités de l’aéroport de Roissy. On les a surveillés de près dès l’arrivée de certaines jeunes femmes… » Une douzaine ont été identifiées ces dix-huit derniers mois. D’autres sont dans la nature. Les passes pouvaient monter jusqu’à 300 €. Elles laissaient la moitié des gains au réseau.
Peu d’argent retrouvé
Lors des interpellations et des perquisitions menées il y a quelques jours, les policiers ont retrouvé peu d’argent en comparaison des centaines de milliers d’euros dégagés par l’activité. « Ces réseaux blanchissent vite l’argent ou le renvoient en Chine. Notamment en investissant dans des produits de luxe revendus au pays. Ces produits repartent en Asie par containers. C’est impossible à retracer. »
Le couple, installé en région parisienne, a été mis en examen par un juge d’instruction de la Jirs (juridiction interrégionale spécialisée) de Nancy pour traite d’êtres humains en bande organisée, proxénétisme aggravé en bande organisée, aide à l’entrée et au séjour irréguliers, et association de malfaiteurs. En situation irrégulière également, le duo a été incarcéré. Leur homme de main devrait être mis en examen rapidement.
Kevin Grethen / Le Républicain Lorrain