Daniel Legrand, l’un des acquittés d’Outreau qui était jugé depuis le 19 mai dans l’un des derniers volets du dossier, a été acquitté ce vendredi par la cour d’assises des mineurs d’Ille-et-Vilaine, suivant les réquisitions de l’avocat général qui avait défendu « l’innocence » de l’accusé.
« A l’ensemble des questions sur la culpabilité de Daniel Legrand il a été répondu non », a déclaré le président de la cour, Philippe Dary, à l’issue d’un peu plus de cinq heures de délibérations. L’ambiance dans la salle d’audience est restée sereine à l’exception de quelques applaudissements. Aussitôt, la mère et les deux soeurs de Daniel Legrand l’ont rejoint pour s’asseoir à ses côtés, dans le box des accusés, qu’il n’est plus. Le père homonyme de Daniel Legrand, également ancien acquitté de la retentissante affaire de pédophilie d’Outreau (Pas-de-Calais), est décédé en 2012.
Emus, les quatre membres restants de la famille Legrand semblaient tenter de réaliser. Nadine Legrand, la mère du désormais double acquitté d’Outreau, a paru pleurer un peu, appuyée sur le pupitre du box. Jonathan Delay, 21 ans, un des quatre frères victimes de l’affaire d’Outreau, violé par ses parents et un couple de voisins condamnés pour cela en 2004, et qui avait désigné Daniel Legrand, pour la première fois à Rennes, comme agresseur, est resté très calme. « Je me promenais avec un poids depuis 10 ans et je l’ai déposé à la barre », a-t-il déclaré, tout en se disant « un peu sous le choc » après l’annonce du verdict.
« Moi et mon père, on est innocents, je le dis avec force, courage et dignité », avait simplement déclaré Daniel Legrand vendredi matin, avant que la cour n’entame les délibérations au terme de trois semaines de procès.
Dans son réquisitoire jeudi, l’avocat général Stéphane Cantero avait demandé avec véhémence son acquittement, non pas au bénéfice du doute, mais parce qu’il « est innocent, parce qu’il n’a rien fait! » Comme à Paris en appel en 2005, les six avocats de la défense ont choisi de ne pas plaider.
Treize des 17 accusés de cette affaire, parmi lesquels Daniel Legrand et son père, avaient été acquittés en 2004 et 2005 à l’issue de ce qu’on a surnommé le « fiasco judiciaire d’Outreau ». Le président de la République Jacques Chirac leur avait même présenté des excuses. Mais Daniel Legrand avait été renvoyé devant les assises pour une période où il était en partie mineur, seules les accusations portant sur sa majorité ayant été jugées lors des deux précédents procès.
C’est l’association Innocence en danger qui, en 2013, a tenu à rappeler cet « oubli » au parquet général de Douai, à quelques semaines de la prescription. Et le nouveau procureur général a choisi d’audiencer ce procès qui, en onze jours de débats et une cinquantaine de témoins, a semblé une « redite » des deux précédents. Tous les acquittés encore vivants, les quatre condamnés pour les viols des quatre fils Delay (parmi lesquels leur mère Myriam Badaoui dont les multiples accusations dans l’instruction puis les revirements aux procès avaient fait basculer l’affaire) mais aussi l’ancien juge d’instruction Fabrice Burgaud, sont venus témoigner.
Si les avocats des parties civiles ont à de nombreuses reprises argué que ce procès avait le mérite de redonner la parole aux victimes dont les souffrances ont été escamotées par la place donnée aux acquittés, il était difficile de savoir, à la fin des débats, quel bénéfice en tireront les jeunes hommes que sont devenus Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, qui s’étaient constitués partie civile.
L’avocat général a estimé que les accusations qu’ils ont portées à Rennes pour la première fois contre Daniel Legrand étaient le fruit de « souvenirs reconstruits », résultant de leur enfance de traumatismes et de viols mais aussi des violences psychologiques vécues lors de l’instruction et des procès. « C’est les respecter aujourd’hui que de leur dire qu’ils se trompent », a-t-il clamé.
AFP