Un ancien responsable du renseignement français a raconté lundi devant la justice que sa direction avait envisagé de recruter le jihadiste Mohamed Merah un mois avant qu’il ne tue sept personnes dont trois enfants juifs en mars 2012 dans le sud de la France.
L’ex-chef du renseignement intérieur à Toulouse a fait cette déclaration devant la cour d’assises de Paris, où comparaît le frère du jihadiste, Abdelkader Merah, pour complicité dans les assassinats commis à Toulouse et Montauban.
C’est après un voyage de Mohamed Merah au Pakistan, entre août et octobre 2011, que la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) avait voulu voir le jeune Toulousain pour parler de son parcours afghan. Le jeune homme, fiché comme son frère Abdelkader par les services depuis 2006, avait déjà fait l’objet d’une enquête après son arrestation le 22 novembre 2010 à Kandahar par la police afghane. Convoqué le 14 novembre pour un « débriefing préventif », Mohamed Merah est alors interrogé par deux spécialistes parisiens. Mais rien de suspect ne ressort des deux heures trente d’entretien.
« Un esprit ouvert, malin »
« Son caractère dangereux n’est pas paru évident. Il leur a semblé naturel et ils ont jugé que l’on pouvait s’orienter, compte tenu de son esprit curieux et voyageur, vers un recrutement », a expliqué à l’audience le policier, précisant que le terme alors utilisé était celui « d’approche ». « Je n’étais pas choqué » par cette réaction mais « j’étais en désaccord complet » avec leur analyse Je n’imaginais pas approcher Mohamed Merah sans une judiciarisation » préalable. « Il fallait crever l’abcès » car « il restait trouble », a-t-il expliqué.
Les Parisiens emportent le dossier et promettent une note d’expertise qui sera remise le 21 février 2012, un mois avant le premier assassinat de Mohamed Merah. Il y est notamment écrit : « Mohamed Merah a un esprit ouvert, malin. Il n’entretient aucune relation avec un réseau terroriste, il a un profil voyageur ». La note se conclut par une demande de vérification de la fiabilité de Merah. « Mon refus a été net et catégorique et j’en ai fait part à ma hiérarchie », a commenté le témoin.
Après deux assassinats de militaires et une tentative d’assassinat le 15 mars 2012, l’ex-patron du renseignement toulousain explique avoir alerté sa hiérarchie à plusieurs reprises de sa conviction qu’il s’agissait d’un acte jihadiste. Il donne les noms de douze suspects potentiels dont celui de Mohamed Merah, mais il n’est pas écouté, la piste d’un acte commis par un groupe d’extrême droite étant alors privilégiée. Il faudra attente les quatre assassinats de l’école juive de Toulouse le 19 mars pour que la piste salafiste soit enfin prise au sérieux.
Le Quotidien/AFP