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Prison ferme pour les vigiles responsables de la mort d’un voleur à l’étalage


Photo prise le 30 décembre 2009 dans un hypermarché Carrefour de Lyon où a été tué par asphyxie un jeune homme de 25 ans. (Photo : AFP)

Les vigiles qui ont provoqué la mort d’un jeune homme dans un hypermarché lyonnais en 2009 ont-ils été les auteurs avérés de violences ou les acteurs maladroits d’un tragique accident ? La cour d’assises du Rhône a tranché jeudi en les condamnant à de la prison ferme.

Soupçonné du vol d’une canette de bière dans le Carrefour du centre commercial de la Part-Dieu, Michael Blaise, 25 ans, était mort le 29 décembre 2009 au lendemain de son interpellation et de son transfert dans un petit local de sécurité du magasin.

Là, dans cette pièce confinée de 2,35 mètres de long sur 1,8 de large, après une algarade et beaucoup d’incompréhensions de part et d’autre, il avait été maîtrisé puis plaqué sur un meuble par quatre vigiles pendant une grosse dizaine de minutes. Jusqu’à ce qu’il perde définitivement connaissance. Transporté à l’hôpital, il y décédera le lendemain. Victime d’une asphyxie mécanique, par compression et obstruction, conclura l’autopsie.

La scène a été enregistrée par un film de vidéosurveillance. Décrite comme une «mort en direct», cette vidéo -«perturbante» concède un avocat de la défense, Me François Saint-Pierre; où «on voit tout, on entend tout», dénonce le conseil des parties civiles, Me Yves Sauvayre- a été projetée, puis décortiquée à trois reprises par la cour qui jugeait l’affaire depuis une semaine.

C’est l’élément-clé de l’accusation. Mais qu’y voit-on au juste? Pas de passage à tabac par un quatuor de vigiles désireux de punir le jeune homme comme il a pu être dit; mais une mêlée humaine où des vigiles plaquent qui un bras, qui un dos. Comme indifférents au souffle ralenti de Michael Blaise qui finit par s’évanouir sans qu’ils s’en rendent compte.

Le patron de la sécurité fait ainsi la morale, se félicite même que la victime se soit calmée, juste avant que ne percent les premiers signes d’inquiétude des vigiles: «Oh, oh, jeune homme, réveillez-vous». La scène pourrait être ridicule si elle n’était pas tragique.

S’agit-il de «gestes inadaptés, maladroits», comme l’a décrit Me Gabriel Versini-Bullara pour deux accusés? ou est-ce «une mort longue et douloureuse» de M. Blaise, «écrasé par 330 kilos d’indifférence et de mépris», ainsi que l’a fustigé l’avocate générale Fabienne Goget?

«C’est tout sauf simple», a plaidé Me François Saint-Pierre.

Six à huit ans requis

Car si la condamnation était «inéluctable» comme l’a répété la défense, les faits ne relèveraient-ils pas d’un simple homicide involontaire? «Un bon professionnel peut commettre une très lourde erreur (…) pour x raison. C’est ce qu’on appelle les facteurs humains (…) Ce qui s’est passé est un terrible accident», a souligné Me Saint-Pierre.

Après sept heures de délibéré, la cour ne l’a pas suivi dans cette analyse. Elle a retenu les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner en condamnant trois des vigiles à quatre ans de prison dont deux avec sursis et un quatrième à trois ans, dont 18 mois avec sursis, suscitant les pleurs et cris de douleurs de leurs proches dans la salle d’audience.

La veille, un des conseils de la défense, Me Roksana Naserzadeh, avait demandé à «ne pas rajouter de la souffrance à la souffrance» après que l’avocate générale eut requis de six à huit ans de prison ferme.

Car tout au long du procès, les quatre accusés aux parcours si hétéroclites n’ont cessé de faire part de leurs regrets et remords avec des accents de sincérité. «C’est dur de me tenir devant vous, j’ai honte, chaque jour, je vis avec ça. C’est insupportable», a déclaré l’un d’eux, colosse au bord des larmes, jeudi matin à la famille de la victime.

Face à cette détresse, les proches de Michael Blaise, jeune homme probablement un peu perdu, longtemps décrit comme un marginal qu’il n’était pas, ont offert le visage digne d’une douleur impassible. «On a le sentiment qu’ils n’ont fait que leur travail et qu’ils avaient le droit de tuer Michael mais on veut juste que la justice fasse son travail», avait résumé une proche.

AFP/M.R.