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Pour les marques de prestige, l’e-commerce n’est plus un luxe


Les grandes marques doivent désormais développer plus de vitrines numériques que physiques. (illustration AFP)

Explosion des ventes en ligne chez Kering, lancement d’un site à vocation mondiale chez LVMH… Longtemps à la traîne en matière d’e-commerce, les poids-lourds du luxe accélèrent dans les technologies numériques pour servir les clients toujours plus connectés dont dépend leur avenir.

LVMH ouvre début juin le site 24sevres.com, vitrine numérique du grand magasin parisien Le Bon Marché, propriété du numéro Un mondial du luxe. Le groupe va proposer « pour la première fois des produits Louis Vuitton et Christian Dior dans un environnement multimarques sur internet », a déclaré le directeur général et fondateur du site, Eric Goguey. Sur le web, ces deux marques n’étaient jusqu’ici vendues que sur leurs sites propres. Après une montée en puissance durant l’été, la nouvelle vitrine exposera 170 marques représentatives d’une « vision parisienne de la mode », dont 16 du groupe de Bernard Arnault. Elle s’accompagne d’une promesse de « service haut de gamme » : livraison dans 70 pays, accès aux conseils personnalisés d’un styliste en visioconférence, conditionnement et emballage particulièrement soignés… Le groupe ne dévoile aucun chiffre concernant le volume d’affaires réalisé sur internet.

Chez le concurrent Kering, on se réjouit d’une progression de 60% des ventes en ligne de produits de luxe au premier trimestre, après 12% sur l’ensemble de l’année 2016, une croissance nettement plus rapide que celle des ventes en boutiques. Celles de sa griffe italienne Gucci ont fait encore mieux en début d’année : +86%. Mais les montants vendus ou leur part dans le chiffre d’affaires ne sont pas dévoilés. Le groupe se félicite du « déploiement progressif dans toutes les régions du nouveau site gucci.com » qui associe « du contenu narratif » à l’e-commerce.

Ces innovations sont une nécessité, estime Olivier Abtan, responsable de l’expertise luxe au cabinet Boston Consulting Group, à Paris, dont une note était récemment titrée : « se digitaliser ou mourir ». Avec seulement 7% des ventes des marques de luxe (vêtements, bijoux, parfums et cosmétiques, cuir et accessoires…) réalisées en ligne, « le secteur est en retard », affirme-t-il, tout en prévoyant un rattrapage et une multiplication par trois de ce ratio d’ici 2025. Selon lui, les technologies digitales ont longtemps été négligées par les acteurs historiques du luxe car le marché était en forte croissance, tiré notamment par la demande chinoise et l’ouverture de boutiques dans les pays émergents.

Les start-up plus rapides que les grands groupes

Or la croissance « va passer de 8-10% par an en moyenne à 2-5% au mieux, sur les années à venir » et les modes de consommation du luxe sont bouleversés par le digital, notamment chez les jeunes générations. « Les consommateurs de produits de luxe sont plus connectés que la moyenne de la population. Ils s’inspirent en ligne, via les réseaux sociaux, les sites de particuliers, de blogueurs, de marques. Ils comparent les produits, les prix. Ils achètent », explique Olivier Abtan. Le discours conservateur, parfois entendu, selon lequel une expérience du luxe se vit en boutique et ne serait pas adaptée au web car cela risquerait de diluer l’image d’exclusivité des marques, appartient définitivement au passé. « 35% de nos clients sont passés sur Internet avant de venir en magasin », constate-t-on aujourd’hui chez Kering. Cependant, la lenteur relative des grands groupes a permis à des start-up de se développer.

L’exemple emblématique est celui de net-a-porter, créée à Londres en 2000 et devenue numéro un mondial de la vente en ligne multimarques avec plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. L’entreprise, qui compte le groupe de luxe suisse Richemont comme actionnaire de référence, a fusionné en 2015 avec l’italien Yoox. Le site de mode anglais Farfetch, fondé il y a une dizaine d’années, fait aussi partie des références internationales. Face à ces nouveaux distributeurs, experts du digital, les acteurs historiques possèdent un atout majeur : les produits. Mais, si Kering a développé le site de Gucci en interne, il a préféré nouer une alliance avec Yoox Group en 2012 au sein d’une joint-venture, pour plusieurs de ses Maisons (Alexander McQueen, Balenciaga, ou Saint-Laurent, notamment). LVMH privilégie pour l’instant les développements internes. Le recrutement fin 2015 de Ian Rogers, un ancien cadre d’Apple, a notamment donné une impulsion aux projets numériques du groupe.

Le Quotidien/AFP