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Portugal : la banque Novo Banco passe sous pavillon américain


Une agence bancaire de Novo Banco, le 31 mars 2017 à Lisbonne, au Portugal. (Photo : AFP)

La banque de transition Novo Banco, dernier vestige de l’empire déchu de la famille Espirito Santo, passera dans le giron du fonds d’investissement américain Lone Star, près de trois ans après la chute de cette dynastie qui avait ébranlé le système financier portugais.

Lone Star prendra les rênes de l’héritière de Banco Espirito Santo (BES) avec une part de 75%, alors que les 25% restants continueront à être gérés par l’Etat à travers le Fonds de résolution des banques, aux termes de l’accord signé vendredi.

«C’est une solution équilibrée qui protège les contribuables, l’économie et la stabilité du secteur bancaire», a assuré le Premier ministre Antonio Costa, avant d’ajouter que la transaction «n’aura aucun impact sur les comptes publics». Déjà présent au Portugal dans l’immobilier, Lone Star s’assure le contrôle de Novo Banco, troisième banque portugaise, en échange d’une injection de capital d’au total 1 milliard d’euros, dont 750 millions d’euros dès la conclusion de l’opération.

Cette transaction, sans la moindre recette pour l’Etat, reste nettement en-deçà des attentes initiales du gouvernement socialiste qui avait espéré récupérer les 4,9 milliards d’euros injectés en août 2014 pour éviter sa faillite. Sur ce montant, 3,9 milliards d’euros avaient été apportés par l’Etat et un milliard par les banques concurrentes de Novo Banco, qui avait hérité des actifs jugés sains de la BES après son effondrement sur fond d’irrégularités comptables.

La gauche divisée

Novo Banco avait peiné à trouver un repreneur: un précédent appel d’offres avait échoué en septembre 2015, les trois offres fermes des groupes chinois Anbang et Fosun et de l’américain Apollo ayant été jugées insuffisantes. La vente à Lone Star est loin de susciter l’enthousiasme et a divisé la gauche au pouvoir à Lisbonne, mais permettra néanmoins au gouvernement socialiste de clore un chapitre particulièrement noir de l’histoire du système bancaire portugais.

«Le processus de vente de Novo Banco était mal ficelé dès le début, c’est un soulagement de le voir aboutir. Mais il laisse un coût élevé pour le système financier qui perd pratiquement tout ce qu’il a injecté dans la banque», résume le professeur d’économie Joao Cesar das Neves. Pedro Lino, analyste de la maison de courtage Dif Broker, estime cependant que «la vente est une bonne nouvelle, car elle donne de la visibilité et stabilité au système bancaire portugais, même si Novo Banco tombe entre les mains d’investisseurs étrangers».

Opposés à «une vente au rabais» à des «fonds vautours étrangers», les alliés du gouvernement socialiste, le Bloc de gauche et le Parti communiste, ont réclamé en vain une nationalisation du successeur de BES. Cette option a été écartée, car elle «aurait obligé l’Etat à injecter entre 4 et 4,7 milliards d’euros dans la banque», a fait valoir Antonio Costa.

Une première en Europe

Bruxelles avait fixé au 3 août 2017 la date butoir pour la cession de cette banque de transition issue de l’effondrement du groupe Espirito Santo, la première à être vendue selon les nouvelles règles européennes de résolution des crises bancaires. Mais alors qu’il s’agissait de faire payer d’abord les actionnaires et les créanciers non prioritaires et d’éviter aux contribuables de mettre la main à la poche, les Portugais sont loin d’être épargnés.

Les banques ont obtenu un délai de grâce de 30 ans et auront désormais jusqu’en 2046 pour rembourser des prêts de plus de 4 milliards d’euros accordés par l’Etat pour voler au secours de BES en 2014, puis de la Banif en 2015. «En attendant, c’est nous tous, les Portugais, qui payerons la facture», a commenté l’ancien ministre des Finances socialiste Fernando Teixeira dos Santos.

Les banques portugaises ont été malmenées par la crise de la dette qui a poussé le pays à demander une aide financière internationale de 78 milliards d’euros en 2011, et leurs bilans restent plombés par un niveau élevé de créances douteuses. Dernier exemple en date, la banque publique Caixa geral de depositos (CGD) s’est vu injecter jeudi 2,5 milliards d’euros de fonds publics pour améliorer sa solvabilité.

Le Quotidien/AFP