Romain Gestauer, qui n’a jamais pratiqué le cyclisme en compétition, dresse les plans d’entraînement de son fils en veillant bien à ne pas l’étouffer.
On ne savait pas à quoi s’attendre. On s’était même très franchement préparé à essuyer un refus lorsqu’on lui a proposé de se prêter au jeu du portrait, l’accord tacite étant quand même de se dévoiler un tant soit peu.
Non parce que Romain Gastauer, le papa de Ben, serait un grincheux ou un affreux taiseux. Mais quiconque suit de près ou de loin le cyclisme luxembourgeois aura remarqué sa grande discrétion. Sa propension à s’effacer. Il confirme : «Vous avez raison, je n’aime pas trop parler de moi et je préfère conseiller.»
Rester dans l’ombre, donc. Sauf qu’en début de saison, un bon coup de projecteur est venu se plaquer sur le maillot jaune du fiston, vainqueur du Tour du Haut-Var devant Philippe Gilbert. Alors qui est donc Romain Gastauer ? Le papa qui veille avec soin sur la carrière de son fils, au point de fournir à la presse comme aux supporters toutes les infos et les photos concernant le fiston? Une sorte de papa poule, donc. Ou à l’inverse, un père certes attentionné, mais soucieux de faire la part des choses au point d’en être sourcilleux.
«Je suis le papa de Ben et son entraîneur», sourit-il, pas fâché qu’on lui pose la question récurrente du mélange des genres, question qui finit presque toujours par émerger. Un jour, le Dr Urhausen (NDLR : le chef de service du Centre médical olympique luxembourgeois) a fini par le rassurer. «Il m’a dit que les cas où ça fonctionnait étaient rares, mais que pour nous, ça fonctionnait», rapporte-t-il, non sans une pointe de fierté.
Même son de cloche chez AG2R-La Mondiale. Jean-Baptiste Quiclet, jeune directeur de la performance de l’équipe française depuis décembre 2013, est chargé de la coordination avec les entraîneurs. Avec ses deux adjoints, il ne cesse de briefer et débriefer avec les entraîneurs particuliers des coureurs. Donc avec Romain Gastauer. «En tant qu’entraîneur, Romain s’intéresse aux théories allemandes, anglo-saxonnes et françaises et son approche est intéressante, pour ne pas dire plus.
Il est performant, très pointu même et aussi très précis. J’aimerais que tous les entraîneurs soient comme lui. Il ne cesse de progresser, comme Ben, son fils. D’ailleurs, c’est l’autre point, le fait qu’il soit le père de Ben est plutôt un atout. Car il sait faire la part des choses. Et quelquefois, je passe par lui pour passer des messages à son fils. Quelquefois, c’est lui qui passe par moi pour faire passer d’autres messages. Mais tout cela est fait d’une façon très saine, sinon, nous ne l’aurions pas accepté», nous expliquait-il l’autre matin, à Maastricht, au départ de l’Amstel Gold Race.
Il n’y a donc aucune raison d’arrêter en si bon chemin. D’ailleurs, Romain Gastauer n’a que deux coureurs placés sous son aile. Ben, bien sûr, mais aussi le jeune espoir schifflangeois Kevin Geniets, une sorte de copie certifiée conforme de son fils, avec des jambes aussi fines que de la ficelle. «Non, rectifie Romain, il est plus avancé que Ben ne l’était au même âge.»
Denis Bastien
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