L’économiste à succès Thomas Piketty, même s’il a refusé la Légion d’honneur, restera nommé dans l’Ordre de cette distinction à moins qu’il ne décide, comme l’avait fait Maurice Ravel en 1920, de faire annuler le décret présidentiel de sa nomination.
L’économiste français a refusé la distinction, estimant qu’il n’appartenait pas au gouvernement de « décider qui est honorable ». (Photos : AFP)
« Lorsque vous refusez la Légion d’honneur, le décret portant votre nomination n’est pas annulé pour autant », a expliqué vendredi à l’AFP un porte-parole de la grande chancellerie de l’Ordre. « Votre refus signifie que vous renoncez à recevoir votre insigne et, de fait, à devenir membre de l’Ordre », a-t-il précisé. Rien n’empêche d’ailleurs Thomas Piketty de revenir ultérieurement sur sa décision. « En droit, c’est tout à fait possible, même si cela serait particulièrement mal perçu », a expliqué à l’AFP Bertrand Galimard-Flavigny, auteur de « La Légion d’honneur »(Découvertes/Gallimard). Les textes ne prévoient pas ce cas de figure, précise-t-on à la grande chancellerie.
Nommé au grade de chevalier par décret du 31 décembre, Thomas Piketty a annoncé qu’il refusait cette distinction parce qu’il « ne pense pas que ce soit le rôle d’un gouvernement de décider qui est honorable ».
Aboutissement d’un processus de sélection, la nomination dans l’Ordre de la Légion d’honneur, validée par décret signé du président de la République, est suivie d’une cérémonie de remise d’insigne. Pour cette cérémonie, le futur décoré désigne une personne, elle-même déjà décorée d’un grade équivalent ou supérieur, pour lui remettre son insigne. Un brevet lui est ensuite adressé par la grande chancellerie qui atteste de son appartenance à l’Ordre.
Le cas du musicien Maurice Ravel, qui demanda l’annulation de sa nomination, reste unique à ce jour. »Nommé contre son gré par un décret de janvier 1920, Ravel avait demandé au grand chancelier de faire le nécessaire pour que cette nomination soit annulée, ce qui fut fait par décret en avril de la même année », raconte M. Galimard-Flavigny. Ce refus avait provoqué ce commentaire acerbe de son confrère, le compositeur Erik Satie, avec qui il était en froid : « Monsieur Ravel refuse la Légion d’honneur, mais toute sa musique l’accepte. »
Pour Bertrand Galimard-Flavigny, le refus de la Légion d’honneur peut être perçu comme un acte de vanité mais être aussi « un signe d’humilité, comme c’est le cas pour des prêtres ou des chefs d’entreprises qui déclinent l’honneur qui leur est fait parce qu’ils estiment qu’il doit être partagé », souligne-t-il. Autre possibilité : « recevoir la décoration en petit comité, mais la mettre dans un tiroir et ne pas en parler ».
AFP