L’Islande, vidée d’une partie de sa population exilée en France pour l’Euro-2016, tourne au ralenti. Il est toutefois un secteur qui n’arrête pas de marquer des points, lui aussi : le tourisme.
Avant le quart de finale historique de l’Euro contre le pays organisateur dimanche, les estimations varient pour savoir combien d’Islandais ont fait le déplacement en France : 20 000 voire 50 000 ? C’est en tout cas une transhumance exceptionnelle pour ce petit pays de 330 000 habitants, privé d’une bonne partie de sa main-d’œuvre. Les Islandais semblent tous avoir une histoire à raconter sur les odyssées des uns et des autres vers Paris : l’un qui prend un avion pour Londres via Berlin et finit en Eurostar, l’autre qui atterrira à Amsterdam et prendra la route… Beaucoup de temps, beaucoup d’argent dépensés pour communier avec les héros nationaux, ce qui laisse moins de place pour exercer son métier habituel.
Mais en Islande, la haute saison touristique ne souffre pas du football. Les touristes étrangers affluent sans discontinuer, attirés par les paysages sensationnels de cette île qui prend parfois des airs de lune, avec ses champs de lave noire, ses volcans et ses fascinants geysers. « Nous on est une petite entreprise de 15 personnes, et il y en a six qui sont parties en France. Donc on survit, on fait face. C’est pareil pour beaucoup de monde », confie Sébastien Tranchand, un agent de voyages français à Reykjavik. Les étrangers qui arrivent sont ravis de venir à ce moment historique, et de participer un peu à la fête. « Il y a certes un intérêt des touristes pour le foot. Mais c’est un simple sujet de conversation, ils sont venus pour la nature islandaise », nuance Anna Karolina Gestsdottir, de l’agence de voyages Around Iceland. « Je ne suis pas sûre qu’on ait eu plus de touristes grâce à l’Euro. Juin-juillet, c’est une époque chargée de toute façon. Tout est complètement réservé. »
Mono-industrie et pub gratuite
Le tourisme a presque tout envahi en Islande. Dans le centre de Reykjavik, il ressemble de plus en plus à une mono-industrie, et on entend peu parler islandais en ce début d’été. Au fil des ans, les logements se convertissent en appart’hôtels, plus rentables, au détriment des jeunes Islandais qui ne sont pas propriétaires. Rarement le pays avait eu son nom cité ainsi dans les médias du monde entier. Les images de l’enthousiasme des joueurs et des supporters islandais offrent une formidable publicité gratuite pour l’île. « Les gens ne savent pas, ne connaissent pas. Pour eux, l’Islande c’est un coin perdu au milieu de l’Arctique, et du coup ils recherchent », remarque Sébastien Tranchand. Un organisateur d’excursions spéciales baleines dans l’Atlantique a profité de l’engouement pour se faire lui aussi un coup de pub. Il donnait un billet aux joueurs anglais pour lot de consolation en cas de défaite en 8e de finale (battus 2-1).
Le pays a accueilli 1,3 million de touristes étrangers en 2015, surtout américains et britanniques. Cette année est partie pour battre encore tous les records, avec une même croissance de 30%. Certains se demandent à quel moment elle deviendra insoutenable pour l’écosystème exceptionnel de l’île. Une évolution que les footballeurs islandais voient de loin : ils jouent tous à l’étranger.