Mise en cause par des enquêtes de Cash Investigation et Mediapart pour son attitude face à la pédophilie, l’Église catholique de France a réagi mercredi en disant sa « honte » mais aussi sa « détermination » à lutter contre ce « fléau ».
« J’éprouve un sentiment profond à la fois de honte, d’humilité et de détermination parce que je suis bien conscient que nous avons commis des erreurs, qu’il y a eu des silences coupables, qu’on a plus voulu défendre l’institution que faire la légitime place aux souffrances des victimes », a souligné mercredi le porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Olivier Ribadeau Dumas.
L’équipe de Cash Investigation, dans une émission diffusée mardi soir sur France 2, et des journalistes associés au site d’information Mediapart dans leurs articles et un livre publié mercredi ont dénoncé le « silence » de l’Église et accusé 25 évêques – dont 5 sont en poste, les autres étant à la retraite ou décédés – d’avoir « couvert » 32 « agresseurs » ayant fait 339 victimes. Des affaires qui remontent jusqu’aux années 60, mais la moitié des faits « ont été établis après 2000 », selon ces médias.
Ces chiffres constituent « une agrégation de faits qui prend une dimension vertigineuse », reconnaît le porte-parole des évêques, tout en estimant que « Cash Investigation et Mediapart n’ont pas révélé de faits nouveaux » lors d’une émission jugée « uniquement à charge ».
La compilation de ces données écorne encore un peu plus l’image d’une institution qui se débat depuis des mois face aux accusations de déni ou de légèreté dans le traitement des affaires de pédophilie. Celle du Père Bernard Preynat, soupçonné d’abus sexuels sur plus de 70 scouts lyonnais, a durablement atteint l’image du cardinal Philippe Barbarin, le puissant archevêque de Lyon. « Il y a eu des erreurs d’appréciation et de gouvernement, comme l’a reconnu le cardinal Barbarin. Mais aucun évêque condamné pour avoir caché des faits n’est en poste aujourd’hui », assure Mgr Ribadeau Dumas.
Briser la « culture du silence »
L’un des quatre évêques français mis en cause au sujet d’un de ses prêtres – le cinquième, le supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X Mgr Bernard Fellay, ne dépend pas de l’Église de France – a protesté de sa bonne foi mercredi matin. « Je n’ai pas couvert ce prêtre, dès que j’ai su, j’ai prévenu le procureur de la République », a affirmé Mgr Jean-Luc Bouilleret, évêque de Besançon. « Le jour où ce prêtre a été mis en examen, le jour même, je l’ai suspendu de tout ministère », a-t-il poursuivi, en mettant en avant « une collaboration très étroite avec la justice » et des procédures « claires ».
La communauté Saint-Jean a déploré des « accusations infondées » vis-à-vis d’un de ses religieux ayant résidé au Cameroun, qui n’a jamais fait l’objet « d’aucun soupçon ». « On pourra déplorer parfois la lenteur des procédures (…) mais le prieur général, frère Thomas, n’a camouflé ni couvert aucun cas », affirme dans un communiqué cette congrégation déjà éclaboussée par des abus sexuels. L’épiscopat rappelle son engagement sur ces questions depuis une quinzaine d’années et les mesures annoncées en avril 2016 : création de dispositifs d’écoute des victimes partout en France et d’une commission d’expertise pour régler les cas de prêtres litigieux, prévention accrue auprès des séminaristes et novices…
« Il y a eu une culture du silence. Nous voulons la briser pour avoir une culture de l’écoute et de l’accompagnement des victimes : nous sommes entrés me semble-t-il dans cette nouvelle phase, ça met sans doute trop de temps. On ne fait pas bouger les mentalités comme ça », dit le Père Ribadeau Dumas. « Nous en avons pour des années de lutte pour que ce fléau cesse. »
Le Quotidien/AFP