L’Église de France a annoncé mardi une série de mesures visant à faire « la lumière » sur les actes de pédophilie dans ses rangs, y compris sur les faits les plus anciens, après les révélations qui ont secoué la hiérarchie catholique.
La Conférence des évêques de France a décidé de créer des cellules d’écoute dans chaque diocèse et de mettre en place une « commission nationale indépendante » présidée par un laïc, a annoncé son président, Mgr Georges Pontier. Une association de victimes à Lyon, La parole Libérée, a néanmoins critiqué une « communication tardive » et « pas à la hauteur des enjeux ». Son secrétaire, Bertrand Virieux, a regretté qu’il n’y ait « pas d’engagement clair sur le fait qu’un prêtre pédophile ou auteur d’agressions sexuelles ne soit plus en contact avec des enfants ou des jeunes adultes ».
La hiérarchie catholique française est sous le feu des critiques depuis plusieurs semaines, à la suite notamment de la mise en cause d’un de ses membres les plus influents, le cardinal Philippe Barbarin. Ce cardinal, archevêque de Lyon depuis 2002, est ciblé par deux enquêtes pour « non dénonciation » d’agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts entre 1986 et 1991 par un prêtre de la région, le père Bernard Preynat. Ce dernier, en activité jusqu’en août 2015, a été inculpé le 27 janvier après avoir reconnu les faits.
A l’écoute des victimes
L’association La parole libérée reproche à Mgr Barbarin de ne pas avoir dénoncé ses actes à la justice, alors qu’il en était informé depuis 2007. « Dans l’histoire des diocèses, des cas particuliers demeurent, même anciens, sur lesquels il est nécessaire de faire la lumière. Nous nous engageons à faire ce travail comme nous le faisons sur les cas portés à notre connaissance, notamment par les victimes », a réagi mardi Mgr Pontier.
Des « cellules d’accueil et d’écoute » seront mises en place et un site internet dédié permettra aux victimes de les contacter directement, a-t-il annoncé. Une « commission nationale d’expertise indépendante » va aussi voir le jour. « Présidée par une personnalité laïque qualifiée, et composée d’experts (anciens magistrats, médecins, psychologues, parents…) », elle aura « pour mission de conseiller les évêques dans l’évaluation des situations de prêtres ayant commis des actes répréhensibles », a encore détaillé Mgr Pontier.
Des ratés dans la communication
L’Église de France revendique ses efforts contre la pédophilie depuis la condamnation, inédite, en 2001 d’un de ses évêques pour non dénonciation. Mais les récentes révélations ont montré sa difficulté face aux cas anciens et dans sa réponse aux victimes. Se défendant mi-mars d’avoir « jamais couvert le moindre acte de pédophilie », le cardinal Barbarin avait ainsi souligné que les faits avoués par le père Preynat étaient prescrits lorsqu’il en avait été informé. « Grâce à Dieu », avait-il maladroitement ajouté. Les responsables de l’épiscopat font désormais valoir que, si des dossiers sont juridiquement prescrits, « aucune prescription morale » ne tient en matière de pédophilie. A fortiori dans une institution qui se doit d’être exemplaire.
Concernant les faits récents, la « tolérance zéro » prônée par le Vatican semble désormais largement partagée. Ainsi en Guyane française, un prêtre s’est dénoncé la semaine dernière sur ordre de sa hiérarchie. Il sera jugé pour des attouchements sur mineur. Mais la communication épiscopale connaît encore des ratés, à l’image de la polémique déclenchée la semaine passée par l’évêque de Pontoise, Mgr Stanislas Lalanne. Ce dernier, pourtant responsable d’une « cellule de veille » de l’Église de France sur la pédophilie, a répugné à qualifier spontanément de « péché » tout acte pédophile, invoquant des considérations théologiques. Devant la polémique, il est revenu sur ses propos en assurant que « la pédophilie, dans tous les cas, est un péché objectivement grave », « un crime atroce qui offense Dieu », reprenant une citation du pape Benoît XVI. Mais le mal était fait.