Cumulant les casquettes chez Nissan, Renault et maintenant Mitsubishi, le PDG globe-trotter Carlos Ghosn s’impose encore davantage comme un poids lourd de l’automobile, avec en ligne de mire la place de numéro un mondial.
Ce franco-libano-brésilien de 62 ans vient de renforcer sa réputation de fin stratège avec la prise de contrôle d’un Mitsubishi aux abois après une fraude. L’alliance Renault-Nissan, qui revendiquait déjà 10% du marché automobile global, pourrait contester la première place à Toyota, Volkswagen ou General Motors. PDG de Nissan depuis 2001 et de Renault depuis 2009, Carlos Ghosn devient aussi président du conseil d’administration de Mitsubishi, précédé d’une image de « tueurs de coûts » acquise lors du redressement de Nissan au tournant du XXIe siècle. Le spectaculaire retour de forme du constructeur japonais, aujourd’hui deux fois plus gros que Renault et très rentable, a valu à Carlos Ghosn une vénération au Japon, où il est devenu héros de manga.
Renault affiche lui aussi une santé de fer avec des ventes en forte hausse et un bénéfice net de 1,5 milliard d’euros au premier semestre. Pour piloter à la fois Renault (120 000 employés) et Nissan (152 000), Carlos Ghosn passe une semaine à Paris, une à Yokohama, et le reste du mois sur le terrain, au contact d’un empire industriel sur lequel le soleil ne se couche pas et dans un emploi du temps minuté. « Être responsable de deux entreprises et devoir courir entre deux pays est extrêmement fatigant », concédait-il récemment, en laissant entendre qu’après lui, les postes de PDG de Renault et Nissan pourraient être occupés par deux personnes.
Aussi respecté que contesté
Mais même si ses collaborateurs saluent son charisme, sa concentration et sa qualité d’écoute, le PDG à l’allure hiératique voire sévère s’est séparé ces dernières années de plusieurs « numéros deux », dont Carlos Tavares devenu depuis dirigeant du groupe PSA. Résultat, il n’a pas de successeur évident. Son mandat actuel à la tête de Renault se termine au printemps 2018 et les statuts de l’entreprise l’autorisent à rester jusqu’en 2022 s’il est reconduit. Chez Nissan, son mandat de deux ans s’achèvera mi-2017.
Ce père de quatre enfants, né au Brésil dans une famille d’origine libanaise, a gardé des liens avec sa terre ancestrale, où il a fait ses études chez les Jésuites et où il est propriétaire d’un vignoble. Son parcours professionnel, entamé chez Michelin en 1978 après des études d’ingénieur (X-Mines), a conduit ce polyglotte en Amérique du Sud et en Amérique du Nord, où il est devenu en 1989 le PDG de la firme au Bibendum. C’est en 1996 qu’il entre au sein de Renault, alors tout juste émancipé après quatre décennies de tutelle étatique, s’imposant comme le successeur de Louis Schweitzer.
Malgré des choix audacieux, comme la propulsion électrique qui après des années laborieuses semble enfin devoir décoller, Carlos Ghosn essuie son lot de critiques, en particulier de la CGT -deuxième syndicat chez Renault- qui dénonce une gestion uniquement financière de l’entreprise et des conditions de travail dégradées. Plus rare, Ghosn a subi en avril dernier un camouflet de ses actionnaires, dont l’État qui jouit de 20% des droits de vote : ils ont rejeté en assemblée générale une résolution à valeur consultative sur sa rémunération, soit 7,25 millions d’euros au total. Une somme à laquelle il faut ajouter 9 millions d’euros chez Nissan au titre de l’exercice décalé 2015-2016.
Interpellé à la mi-septembre sur son salaire lors d’échanges avec des étudiants en école de commerce, le grand patron avait rétorqué que dans le monde de l’industrie automobile, « le talent, l’expérience acquise, l’unicité, cela se paie ».
Le Quotidien/AFP