Mossack Fonseca, au cœur du scandale révélé par les « Panama Papers », est un discret cabinet d’avocats panaméen qui compte une brochette de clients prestigieux et s’est spécialisé dans l’évasion fiscale.
« C’est un crime, un délit », a déclaré Ramon Fonseca Mora, directeur et un des deux fondateurs de Mossack Fonseca, après la divulgation de documents regroupés sous la dénomination « Panama papers » et provenant de ce cabinet d’avocats panaméen, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore.
L’enquête planétaire sur 11,5 millions de documents a révélé des avoirs dans les paradis fiscaux de 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan, notamment dans l’entourage de Vladimir Poutine mais aussi dans le monde du sport.
Selon M. Fonseca, âgé de 64 ans, « c’est une attaque contre Panama car plusieurs pays n’apprécient pas que nous soyons très compétitifs pour attirer les entreprises ». « Il y a deux manières de voir le monde: la première est d’être compétitif et la seconde de créer des impôts » a-t-il déclaré, ajoutant qu' »il y a une guerre entre les pays ouverts, comme le Panama, et les pays qui taxent de plus en plus leurs entreprises et leurs citoyens ».
« Les documents montrent que les banques, les cabinets d’avocats et autres acteurs opérant dans les paradis fiscaux oublient souvent leur obligation légale de vérifier que leurs clients ne sont pas impliqués dans des entreprises criminelles », a affirmé le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui a coordonné l’enquête.
Le gouvernement du Panama a lui assuré dimanche qu’il « coopérera vigoureusement » avec la justice en cas d’ouverture d’une procédure judiciaire.
Qui dirige le cabinet Mossack Fonseca, dont les locaux sont basés dans un immeuble quelconque aux parois de verre du quartier d’affaires de Panama? Juergen Mossack, le cofondateur du cabinet créé il y a une trentaine d’années, est né en Allemagne en 1948, avant d’émigrer au Panama avec sa famille où il a fait ses études de droit.
Son père était un nazi qui avait servi dans les SS (unités d’élite de l’armée allemande) pendant la Seconde guerre mondiale, selon l’ICIJ qui cite des documents de l’armée américaine. D’après « d’anciens dossiers des renseignements », il a proposé d’espionner pour le compte de la CIA.
Quant à l’autre fondateur, M. Fonseca, né en 1952, il a également obtenu un diplôme de droit à Panama mais a poursuivi ses études à la prestigieuse London School of Economics. Dans une interview, il avait indiqué avoir envisagé de devenir prêtre.
M. Fonseca dirigeait une petite société avant la fusion avec M. Mossack. Les deux avocats ont d’abord ouvert un bureau aux Iles Vierges britanniques.
Selon l’ICIJ, la moitié des sociétés que le cabinet a créées –plus de 113.000 — étaient basées dans ce paradis fiscal. Mais Mossack Fonseca a également ouvert une branche dans un micro-Etat du Pacifique, Niue. En 2001, les revenus de la firme étaient si élevés dans cette île qu’ils contribuaient à 80 pour cent au budget annuel de Niue.
Lorsque, sous la pression internationale, les Iles Vierges britanniques ont été contraintes d’abandonner le système des actions au porteur anonymes, Mossack Fonseca est revenu au Panama et s’est également installé dans l’archipel d’Anguilla, dans les Caraïbes.
La firme a dépensé de l’argent pour tenter d’effacer les références sur internet la liant à des pratiques d’évasion fiscale et de blanchiment. Mais plusieurs pays ont commencé à suivre ses activités de près. Au Brésil, elle a été citée dans le cadre du scandale de corruption du géant pétrolier étatique Petrobras, qui secoue le pays.
Aux Etats-Unis, un juge du Nevada a estimé que le cabinet avait tenté volontairement de masquer son rôle de gestion dans sa branche locale dans cet Etat américain. Le mois dernier, M. Fonseca — qui a été un conseiller du président panaméen Juan Carlos Varela depuis 2014 — a annoncé qu’il prenait un congé. Il a expliqué avoir pris cette décision « pour défendre (son) honneur », alors que les accusations dans le dossier brésilien se multipliaient.
Le Quotidien / AFP