Un camp de migrants aux normes internationales, premier du genre en France, a ouvert ses portes lundi à Grande-Synthe (Nord), mais sans le soutien de l’Etat, alors même que le démantèlement de la «Jungle» de Calais reprenait à 40 km de là.
A quelques heures d’un nouveau sommet européen consacré à la crise migratoire, trois familles de migrants sont arrivées en voiture avec des bénévoles, a constaté un journaliste. Elles arrivaient en provenance depuis le camp illégal de Basroch, distant de 1,5 km, où vivent actuellement 1050 personnes, dont 60 femmes et 74 enfants, dans des conditions particulièrement insalubres. Le préfet du Nord Jean-François Cordet a dénoncé un «camp de la honte». La plupart des migrants du camp de Basroch sont des Kurdes irakiens.
Un autocar transportant d’autres migrants est arrivé peu après à Grande-Synthe. Constitué de petits bungalows en bois, ce nouveau camp, monté par MSF et la mairie (écologiste), sera géré par l’association Utopia56. «Il y a aujourd’hui 220 cabanons disponibles, pouvant loger au moins 1.500 personnes. On espère en avoir 375 à court terme», soit une capacité de 2.500 places, selon la coordonnatrice de MSF Angélique Muller. Chaque cabanon est chauffé et prévu pour quatre personnes.
«C’est un grand jour plein d’humanité, cette ouverture avec plus de 200 bénévoles pour assurer ce déménagement», a déclaré le maire (EELV) Damien Carême. «Je pallie une faille de l’Etat», a ajouté celui qui disait ne plus pouvoir «supporter les images de ce camp et de ces enfants». Le déménagement devrait durer au moins trois jours. «Aujourd’hui 600 a 800» migrants vont s’installer, selon le maire. Situé dans la banlieue de Dunkerque, le camp de la Linière doit coûter 3,1 millions d’euros. MSF doit apporter 2,6 millions d’euros, Grande-Synthe et la communauté urbaine de Dunkerque (CUD) 500.000 euros environ, a précisé Mme Muller.
Le camp sera divisé en six zones, comportant chacune douches et toilettes, ainsi qu’un ou deux «espaces de vie: cuisine, école, etc.», a détaillé un responsable de MSF. A la différence du Centre d’accueil provisoire jouxtant la «Jungle» de Calais et constitué de conteneurs, le camp ne sera pas clôturé: «On ne veut pas d’une prison à ciel ouvert», ont martelé MSF et la mairie.
Reprise du démantèlement de la «Jungle»
Dès le départ, le gouvernement s’est déclaré hostile à la création d’un nouveau camp. «La politique de l’Etat n’est pas de reconstituer un camp à Grande-Synthe, mais bien de le faire disparaître» pour offrir des «solutions individuelles» aux migrants, avait indiqué mi-février le préfet du Nord. «La République offre d’autres solutions qui permettent d’accueillir dignement les 1.500 personnes actuellement sur le camp» de Basroch, avait-il ajouté.
Les «maraudes» de fonctionnaires spécialisées ont conduit plus de 580 migrants à demander l’asile et à rejoindre l’un des nombreux centres d’accueil et d’orientation (CAO) répartis en métropole, d’après la préfecture. Depuis début janvier, 320 autres personnes ont été hébergées dans le Dunkerquois, dont 150 femmes et enfants, selon la même source. Le camp de Basroch atteignait encore 2.900 migrants début décembre, selon la préfecture du Nord.
Il a particulièrement mauvaise réputation. La semaine dernière encore, un réseau de passeurs y a été démantelé par la Police aux frontières. Trois Kurdes irakiens interpellés ont été mis en examen et incarcérés. A Calais, la population se demande si le nouveau camp de Grande-Synthe contribuera à vider la «Jungle» ou si, au contraire, il attirera de nouveaux migrants rêvant de rejoindre la Grande-Bretagne. Dans la «Jungle» justement, malgré le froid glacial et une fine couche de neige tombée dans la nuit, les travaux de démantèlement de la partie sud ont repris dans le calme pour la deuxième semaine consécutive, a constaté l’AFP. Un groupe d’environ 70 personnes, bloqué par un important cordon de CRS, regardait avec fatalisme la poursuite des destructions.
Un groupe de neuf Iraniens qui se sont cousu la bouche en milieu de semaine passée en signe de protestation et affirment être en grève de la faim, a rejoint ce rassemblement. Un peu plus de 2 hectares sur les 7,5 ont déjà été démantelés, selon la préfecture.
Le Quotidien/AFP