L’ex-patron de Volkswagen, Martin Winterkorn, a balayé jeudi les accusations de dissimulation devant une commission parlementaire allemande, affirmant n’avoir rien su du trucage des moteurs diesel du groupe avant que le scandale n’éclate en septembre 2015.
L’ancien dirigeant de 69 ans, qui se plaisait à dire qu’il connaissait «chaque vis» de ses voitures, a démenti avoir appris la manipulation dès l’été 2015 comme le soupçonnent notamment les autorités américaines: «ce n’est pas le cas», a-t-il martelé peu après 09h00 dans sa déclaration préliminaire, flanqué de deux avocats.
«Je cherche encore aujourd’hui les réponses» aux questions soulevées par ce scandale monumental, a-t-il assuré. «Ça rend les gens furieux et moi aussi». La presse doute cependant qu’il se plie au jeu des questions-réponses des députés. Pourtant, sa version des faits est «d’une importance particulière», avait estimé dans un communiqué le patron de la commission d’enquête créée en juillet, Herbert Behrens, du parti de gauche radicale Die Linke.
Il s’agit, selon Herbet Behrens, d’établir à quel moment «le directoire de VW en Allemagne a été informé» de la manipulation de 11 millions de ses véhicules dans le monde pour les faire passer pour moins polluants, une affaire révélée aux États-Unis. Réunis pour plusieurs heures, les députés entendront aussi Matthias Wissmann, ancien ministre des Transports, devenu président de la Fédération de l’industrie automobile (VDA), ainsi que trois cadres dirigeants des marques Volkswagen, Audi et Opel.
Aveux au FBI
Les autorités américaines, qui viennent de signer avec Volkswagen un accord réglant pour 4,3 milliards de dollars le volet pénal de l’affaire, outre les 17,5 milliards de dollars versés à titre d’indemnités, mettent clairement en cause l’ancienne direction depuis la récente inculpation pour fraude d’Olivier Schmidt, un cadre dirigeant. D’après les aveux de M. Schmidt au FBI, la direction du géant aux 12 marques (Audi, Porsche, Skoda, etc) avait été informée de la supercherie à la mi-2015 mais avait décidé de garder le silence.
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«Au lieu de plaider pour la reconnaissance de l’existence du logiciel truqueur auprès des autorités américaines, la direction exécutive de VW a autorisé qu’elle continue d’être dissimulée», a indiqué le département américain de la Justice, sans citer toutefois le nom de responsables. Volkswagen a de son côté accepté de plaider coupable de «conspiration» et d’«obstruction à la justice» pour avoir détruit des documents afin de dissimuler ses agissements aux autorités américaines, mais l’accord final de 86 pages, ne clarifie pas les responsabilités au sein du groupe.
Or cette question est cruciale en Allemagne, où le parquet de Brunswick (nord), qui a ouvert une enquête pour «manipulation de cours», a reçu plus de 1.400 plaintes d’actionnaires s’estimant floués par la communication tardive du groupe et réclamant plus de 8 milliards d’euros de dommages-intérêts.
« M. Qualité »
La ligne de défense du groupe n’a, sur ce point, pas varié depuis plus d’un an: selon Volkswagen, le directoire n’a été informé que «fin août, début septembre» 2015 de ce gigantesque trucage. Mais dimanche, le quotidien populaire Bild citait un participant à une réunion organisée le 27 juillet 2015 avec la direction de VW, selon lequel les dirigeants ont évoqué «le fait que quelque chose d’illégal était installé sur nos voitures», avant de s’interroger sur l’attitude à adopter.
Martin Winterkorn, réputé pour son perfectionnisme et surnommé «M. Qualité» au sein du groupe qu’il dirigeait depuis 2007, aurait dit à un technicien: «toi et ton logiciel !», affirme Bild, évoquant le témoignage d’un ingénieur auprès de la justice allemande. Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung et les chaînes publiques régionales WDR et NDR, deux «témoins capitaux» ont expliqué aux autorités américaines avoir soulevé le problème dès 2012 et 2014 auprès de M. Winterkorn.
La commission parlementaire a déjà entendu mi-décembre le ministre allemand de l’Économie, Sigmar Gabriel, qui affirme n’avoir rien su avant la révélation publique du scandale, et veut auditionner la chancelière, Angela Merkel, le 8 mars.
Le Quotidien/AFP