C’est une première en France: la cour d’appel de Lyon a confirmé qu’un herbicide de Monsanto était responsable de l’intoxication d’un agriculteur français. Le groupe américain devra donc bien l’indemniser «entièrement».
«La décision est très surprenante eu égard aux inexactitudes et aux erreurs qui émaillent la thèse de Paul François. Mais ça n’est qu’une étape et la discussion va se poursuivre, le combat va se poursuivre», a réagi auprès de l’AFP l’avocat de Monsanto, Me Jean-Daniel Bretzner, laissant entendre que le géant américain des semences et de l’agrochimie formera «vraisemblablement» un pourvoi en cassation.
Monsanto avait déjà été reconnu «responsable» en première instance en 2012.
«Le pot de terre peut gagner contre le pot de fer», s’est de son côté réjoui Paul François, céréalier charentais partiellement handicapé et qui souffre d’importantes séquelles, depuis le cabinet de son avocat à Paris. Sa vie a basculé le 27 avril 2004 alors qu’il vérifie une cuve ayant contenu du Lasso — «un herbicide pour le maïs que j’utilisais depuis au moins quinze ans» — et qu’il inhale des vapeurs toxiques, a-t-il récemment raconté à l’AFP.
Monsanto était-il au courant ?
Pris de malaise, il a juste le temps d’expliquer ce qui vient de se produire à son épouse avant de finir aux urgences, crachant du sang: «Tout ce qui est arrivé après, je ne m’en souviens pas.» Après cinq semaines d’arrêt, il reprend son travail, mais souffre d’importants problèmes d’élocution, d’absences, de maux de tête violents. Fin novembre, il s’effondre sur le carrelage de sa maison, où ses filles le découvriront inconscient.
S’ensuit une longue période d’hospitalisation durant laquelle les médecins craindront plus d’une fois pour sa vie, sans jamais faire le lien avec l’herbicide de Monsanto. «D’examen en examen, de coma en coma, on a fini par trouver une importante défaillance au niveau cérébral. Là, ma famille a commencé à faire son enquête sur le Lasso», à ses frais, explique l’agriculteur.
Il faudra attendre mai 2005 pour identifier le coupable: le monochlorobenzène, solvant répertorié comme hautement toxique et entrant à 50% dans la composition de l’herbicide.
La lutte contre la maladie cède la place au combat juridique. D’abord, pour faire reconnaître sa rechute comme maladie professionnelle, officialisée en 2010. Puis contre la firme Monsanto, dont il est convaincu qu’elle connaissait les dangers du Lasso bien avant son interdiction en France, en novembre 2007.
Cet herbicide avait en effet été jugé dangereux et retiré du marché au Canada dès 1985 et depuis 1992 en Belgique et au Royaume-Uni. A l’audience en mai dernier, Monsanto avait lui répété que son produit «n’était pas dangereux» et que «les dommages invoqués n’existent pas».
De son côté, l’association de lutte contre les pesticides Générations futures s’est naturellement félicité de la décision. «La reconnaissance de la responsabilité de Monsanto dans cette affaire est essentielle: les firmes qui mettent sur le marché ces produits doivent comprendre que dorénavant elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités», estime dans un communiqué Maria Pelletier, présidente de Générations futures.
«Il est temps que ces firmes cessent d’exposer des pans entiers de populations à ces produits dont la toxicité et la dangerosité n’est plus à démontrer», poursuit-elle.
AFP/M.R.