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Monica Cantarelli, la gestion en talons au FC Differdange 03


Née à Esch-sur-Alzette il y a 34 ans, Monica Cantarelli est célibataire, déléguée commerciale chez Immobilière Bei, et trésorière du FC Differdange 03 depuis 2010.

Monica Cantarelli, trésorière du FC Differdange 03 et grande organisatrice des déplacements européens du club, s’apprête à vivre son traditionnel et terrible rush du mois de juin. Portrait.

Parole de Fabrizio Bei, qui accepte de bonne grâce que sa collaboratrice trouve aussi son équilibre grâce à sa chienne et pas seulement dans le travail, «sans Boubilette, Monica ne serait pas Monica ». Aucune animosité dans ce constat, même si le président du FCD03 a quelquefois dû montrer les crocs devant la femelle croisée chihuahua-bichon de sa secrétaire qui a déjà osé le menacer devant son bureau.

« Elle est jalouse », justifie Monica Cantarelli à propos de sa chienne, qui précise aussi que même pour les intimes, c’est « Madame » Boubilette et que, de toute façon, « c’est mon petit bébé, ma princesse, elle fait ce qu’elle veut ». Y compris attaquer le boss. Mais ça passe puisqu’il est à la fois un patron « à qui il arrive de gueuler mais qui le fait bien » et un copain qui l’appelle à la fin des matches que Monica loupe (surtout ceux joués à l’étranger puisqu’il « faut bien quelqu’un qui reste derrière pour tout gérer ») pour lui donner le score et lui faire partager les émotions.

La « petite stagiaire »

Quand Monica a pris ses fonctions dans la seule entreprise qu’elle ait jamais connu, c’est à dire l’Immobilière Bei, madame Boubilette n’était pas de ce monde. Et le FC Differdange 03 non plus d’ailleurs. Mais lui, au moins, était en gestation très avancée. On a du mal à savoir exactement si Fabrizio Bei était en salle d’accouchement ou s’il quittait déjà la maternité avec son bébé rouge et noir sous le bras, au moment où sa futur-ex secrétaire, qui allait partir, lui a rappelé à quel point la «petite stagiaire» de l’année précédente (Monica, donc), celle que le lycée d’Esch avait envoyée, s’était montrée très impliquée.

Après tout, ça n’a pas grande importance  : à l’époque, Fabrizio Bei n’envisageait pas encore qu’elle puisse faire une trésorière de club aussi redoutable, il cherchait juste une secrétaire acceptable. Cinq ou six postulantes s’étaient pressées à l’embauche et aucune ne faisait l’affaire. Monica si, d’autant qu’elle ne cache pas qu’elle a « tout de suite dit oui ».

monicaC’était il y a 14 ans. Elle en avait à peine 20, passerait et réussirait son examen quelques semaines après l’offre d’embauche, mais le foot n’est arrivé que plus tard dans sa vie. Il y avait bien le papa, Luciano, fan de l’Inter Milan bien qu’originaire de Naples (quoi?, hein?, comment?) mais ça n’a presque pas compté. Elle savait d’ailleurs à peine qu’il avait été footballeur à l’ARBED, fut un temps.

« On est un peu une tribu »

Non, le ballon rond, ça a commencé doucement, presque insidieusement. Une lettre à taper pour le club. Puis un mail à envoyer. Bref, des petits riens. Jusqu’en 2009 quand, au retour du match d’Europa League à Rijeka, en Croatie, le trésorier de l’époque annonce qu’il arrête. Fabrizio Bei n’a alors pas à chercher longtemps pour trouver la personne qu’il lui faut, c’est-à-dire quelqu’un en qui il puisse avoir « une confiance aveugle »  : il la croise tous les matins en arrivant au boulot.

Mais quand il lui propose, à Monica, il se heurte à une grosse hésitation du genre «euh, du foot, oui, non, bof»… Il doit la rassurer : « T’inquiète pas, on gèrera ça comme au boulot. » C’est parce que justement, elle adore son boulot et son ambiance qu’elle accepte. « Et aujourd’hui, je crois bien qu’elle est accro », rigole Bei.

Il n’a pas tort dans le choix des mots. Madame la trésorière est droguée à son microcosme, à sa tribu. « Tiens, c’est la première fois qu’on me présente les choses comme ça, mais effectivement, on est un peu une tribu. Ou une famille, sinon, ce serait impossible de passer autant d’heures ensemble. » Comment envisager la chose autrement  : du lundi au vendredi, elle passe son temps avec son patron et l’autre employé de la boîte, l’ancien joueur Jean-Philippe Caillet. Les samedis et dimanches, elle traîne… avec son président et son directeur sportif, c’est-à-dire les mêmes personnes.

« Ça crie, mais c’est normal : on est italiennes! »

Avec, tout le temps, une frontière ténue entre le business et le foot, quand les deux ne se mélangent pas franchement  : « Il y a des fois, on doit d’abord faire passer le foot avant toute chose, même au boulot, et inversement. » Et puis il y a aussi sa sœur, Norma, avec qui « ça crie, mais c’est normal : on est italiennes! », et qu’elle a convertie au FCD03 le jour où elle a fini par lui demander de l’aide pour tenir le salon VIP les jours de match. « Il faut voir comment elle est, maintenant, hystérique. Un jour, elle a même suggéré à « Fabri » de couper les primes aux joueurs parce qu’ils n’avaient pas assez couru. »

Elle-même apprécie l’ambiance des tribunes parce que ça lui « rappelle les engueulades à la maison » entre deux parents « insupportables mais qui s’aiment d’un grand amour ». Les gradins, le club, elle a appris à aimer. « C’est une passionnée, oui, mais ne lui demandez pas les règles du hors-jeu », sourit Jean-Philippe Caillet. Quand on hasarde qu’on est prêt à essayer, histoire qu’elle nous surprenne? « Vaut mieux pas », s’esclaffe-t-il. Il n’empêche, aujourd’hui, elle avoue ne pas savoir quoi faire les dimanches quand il n’y a pas de football et consent alors à une petite balade en forêt, visiblement sans grand entrain.

Déplacements de Coupe d’Europe

C’est dans cet espace clos que Monica fait le job au cordeau, sans compter les heures. Des horaires journaliers plus ou moins normaux pour l’Immobilière. Trois à quatre heures de plus quotidiennes pour le FCD03, d’autant que si bien des clubs ont cédé à la facilité (logique) de sous-traiter leur comptabilité à une fiduciaire, du côté de Differdange, le logiciel s’appelle Cantarelli. « Et de deux classeurs au début, on est passés à six classeurs », fait-elle semblant de grogner. En vrai, elle adore ça, « les défis ».

Et le plus gros de l’année est prévu pour la semaine prochaine. Rien à voir avec le marathon de deux mois que représente l’obtention de la licence de l’UEFA, à la sortie de l’hiver. Non, le début d’été, c’est l’organisation des déplacements de Coupe d’Europe et un sprint qui laisse des traces. « Les joueurs et le staff ne se rendent pas compte de ce que c’est, lâche-t-elle. Mais après tout, tant mieux  : ils doivent, eux, se concentrer sur autre chose .»

Une seule fois, son organisation s’est lézardée. Elle s’est heureusement aperçue qu’elle avait oublié de prendre un billet d’avion à Pedro Ribeiro assez tôt pour lui dégoter une place in extremis. « Sinon, tout aurait été de ma faute. »

Attachée à Esch

Elle se récompense alors en coups de fil en direct du stade, au coup de sifflet final. « Je me rappelle encore de celui, inoubliable, de Utrecht (NDLR  : en 2013) , avec tout le monde qui hurlait à l’autre bout du fil. » Pour Tromso et l’élimination au tour suivant, «Fabri» s’était contenté d’un SMS alors qu’elle est en vacances en Sardaigne, chez ses parents, qui y passent dix mois de l’année dans la super ville de Tortoli : « On a perdu. » « Et j’ai pleuré. Dès que tu commences à rêver et que tout se brise, tu tombes d’un gratte-ciel et tu te fais très mal. »

Alors elle dégaine son arme antidéprime : le shopping. Combien a-t-elle claqué après que le FCD03 a perdu le titre à la dernière journée, il y a quinze jours? Regard noir : « Je ne le dis pas. » Effectivement : accro. Au point d’envisager toute sa vie sous le prisme du club  : « Si jamais, un jour, un homme me demande de choisir, je lui dirai non, il faut m’accepter comme ça. Moi, je suis conservatrice et fidèle. »

Celui qui voudra la «débaucher» devra en tout cas se résoudre à habiter à Esch  : elle vit toujours dans l’appartement de l’immeuble dans lequel ses parents se sont rencontrés, où elle est née et qu’elle a racheté. Un beau jour, Fabrizio Bei a construit ses bureaux à vingt mètres de là et ne savait pas encore que son trésorier en talons vivait tout près, dans son 80 m 2 , prête à aimer le foot et un club.

Julien Mollereau