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Mobilisation en hausse contre la loi travail


Des manifestants contre la loi du travail, le 31 mars 2016 à Paris. (Photo : AFP)

Les concessions du gouvernement sur le projet de loi travail n’ont pas calmé la colère: les manifestants ont défilé jeudi plus nombreux que le 9 mars dans toute la France pour réclamer le retrait d’un texte jugé trop libéral, lors d’une mobilisation émaillée de violences.

Selon les organisateurs, 1,2 million de manifestants ont été recensés dans 250 villes, «avec plusieurs milliers d’arrêts de travail».

Au moins 270 000 salariés et jeunes ont battu le pavé dans plus de 70 villes, selon un décompte non exhaustif basé sur des chiffres des autorités. Le 9 mars, le chiffre officiel était de 224 000 (entre 400 000 et 500 000 selon les organisateurs). A Paris, la préfecture de police a recensé entre 26.000 et 28.000 manifestants, sensiblement le même chiffre que le 9 mars, à l’appel des mêmes organisations (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, FIDL, UNL).

Des heurts ont éclaté en marge des cortèges. Dans la capitale, des jeunes cagoulés ont lancé des projectiles sur les forces de l’ordre, de même qu’à Rennes ou Grenoble. A Nantes, certains ont affronté la police qui a fait usage de canons à eau. En tout, une cinquantaine de personnes ont été interpellées, et une vingtaine de policiers blessés. Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a appelé «tout le monde au calme», pour «ne pas donner l’occasion à certains de casser ou d’avoir des actes de violence».

Le cortège parisien, en cours de dispersion vers 17h30, a défilé sous la pluie, de la place d’Italie à celle de la Nation, derrière Philippe Martinez (CGT), Bernadette Groison (FSU), Jean-Claude Mailly (FO) et William Martinet (Unef). «Code du travail: retrait du projet de loi El Khomri», proclamait la banderole de tête. Cette journée a également été marquée par des grèves dans les transports (SNCF, Air France…), à la Tour Eiffel, chez EDF, dans la fonction publique, la presse, et par de nombreux blocages de lycées et d’universités. De nouvelles journées d’action sont prévues pour réclamer le retrait de la loi, les 5 et 9 avril.

«ll faut que le gouvernement prenne en compte ce qui se passe», a déclaré Philippe Martinez. Parmi les slogans: «Loi travail, t’es foutue, la jeunesse est dans la rue», «Touche pas à mon code», «1916: chair à canon, 2016: chair à patrons», ou encore «Non au retour à Germinal, oui à la grève générale».

Un texte « toxique »

Muriel, 56 ans, est venue manifester «pour les jeunes qui risquent d’être encore plus précarisés que nous, contre ce gouvernement qui propose des lois libérales. Je (…) pensais avoir voté pour un gouvernement de gauche». Pour Alain, retraité, «la facilité pour licencier va à l’encontre des droits des travailleurs: il y a déjà eu la loi Macron ; là, c’est le summum».

Zacharia, lycéen à Bondy, reproche au projet de loi «les chances de se faire licencier». Des «frondeurs» du PS comme Christian Paul ont participé au défilé, où étaient annoncés également des députés écologistes, dont l’ancienne ministre Cécile Duflot. Face au tollé, jusque dans les rangs de la majorité, le gouvernement est revenu mi-mars sur certaines dispositions (plafonnement des indemnités prud’homales, décisions unilatérales de l’employeur).

Mais pour les syndicats à l’initiative de la mobilisation, le texte «reste toxique pour les salarié-es». Outre la «facilitation» des licenciements, ils contestent la «philosophie» même du texte, qui consacre la primauté de l’entreprise sur l’accord de branche, et fait craindre un «moins-disant» pour les salariés. Pour Karine Berger, députée PS et membre du Bureau national, les oppositions «à prendre très au sérieux», «témoignent d’un vrai malaise social».

La ministre du Travail, Myriam El Khomri, continue de défendre une «loi nécessaire et juste». Manuel Valls a dit «assumer ses différences» avec la CGT et FO lors des questions au gouvernement au Sénat: «nous avons souhaité privilégier, comme des organisations syndicales qui ne manifestent pas aujourd’hui, qu’on appelle réformistes, que la négociation soit d’abord dans l’entreprise et bien sûr dans les branches», a-t-il plaidé.

Vraisemblablement la dernière du quinquennat, cette réforme est également l’une des plus décriées, comme l’a été la loi Macron, ou la révision constitutionnelle, que François Hollande a dû abandonner. Si un consensus se dessine entre plusieurs syndicats (CFDT, CFE-CGC et CFTC) pour la réécriture de certains articles (licenciement économique, compte personnel d’activité) à l’Assemblée nationale, lors des débats prévus début mai, le patronat réclame, lui, un «retour à la première version».

Le Quotidien/AFP