Les arrivées de migrants s’accélèrent en Grèce, où elles atteignent désormais les 7 000 par jour, un chiffre qui contraste fortement avec le départ vendredi de 19 demandeurs d’asile érythréens vers la Suède, premier transfert de ce type en Europe.
Vendredi a également été marqué par le feu vert des Nations unies à l’opération militaire européenne antipasseurs au large de la Libye, qui n’était pas indispensable mais lui donne davantage de légitimité.
Un premier groupe de 19 Erythréens secourus en Méditerranée ont quitté Rome pour les alentours du cercle polaire en Suède, dans le cadre de la politique de répartition de 160 000 réfugiés en deux ans, laborieusement décidée par l’Union européenne.
Partis tout sourire dans la matinée, ces 14 hommes et cinq femmes sont arrivés dans l’après-midi à Luleå, où la température était de 2°C, avant de s’engouffrer à l’abri des regards dans un bus jaune pour rejoindre samedi un grand centre d’accueil.
«C’est seulement 19 personnes mais c’est le symbole que l’Europe peut affronter les problèmes», s’est félicité à Rome le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE.
Une centaine d’autres demandeurs d’asile doivent partir dans les prochaines semaines, essentiellement vers l’Allemagne et les Pays-Bas, a annoncé l’Italie.
A New York, le conseil de sécurité de l’ONU a validé par 14 voix pour et une abstention (Venezuela) un autre pan de la réaction européenne à cette crise historique, en donnant son aval à l’opération militaire chargée depuis mercredi d’arraisonner les bateaux de passeurs s’aventurant dans les eaux internationales au large de la Libye.
Ce «n’est qu’une petite partie de la solution à un immense défi», a reconnu l’ambassadeur britannique Matthew Rycroft, à l’origine de cette résolution en discussion depuis plusieurs semaines.
Parallèlement, des opérations de secours étaient en cours au large de la Libye, les traversées de migrants semblant s’accélérer avant l’hiver et le mauvais temps.
L’organisation internationale pour les migrations (OIM) a ainsi signalé une forte augmentation des arrivées en Grèce, passées à 7 000 par jour contre 4 500 fin septembre. Ces opérations n’empêchent pas les tragédies de se renouveler en Méditerranée où plus de 3 000 personnes, hommes, femmes et enfants, ont déjà péri.
Un petit garçon d’un an s’est ainsi noyé dans la nuit de jeudi à vendredi près de l’île de Lesbos.
Risque de « tragédie »
A Genève, le patron du haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a appelé l’UE à aider massivement la Grèce à répondre à ce défi, afin que migrants et réfugiés soient accueillis dans des centres adéquats.
«Nous savons comment aménager un camp, une tente, un bâtiment pour l’hiver, nous ne savons pas comment parer pour l’hiver une foule qui se déplace chaque jour de pays en pays. C’est impossible. Avec le temps qu’il y fait dans les Balkans, il peut y avoir une tragédie à tout moment», a-t-il déclaré.
Compte tenu de cet afflux, le Premier ministre suédois Stefan Löfven a annoncé vendredi que son pays avait enregistré près de 9 000 arrivées en une semaine et déclaré s’attendre à plus de 150 000 demandes d’asile cette année, envisageant de dresser des tentes chauffées pour héberger les nouveaux arrivants.
La veille, les 28 Etats membres de l’UE avaient fait front commun pour un renvoi plus systématique des migrants économiques.
La question est particulièrement sensible en Italie, où les Syriens, Erythréens et Irakiens (seuls concernés par le programme européen de «relocalisations») ne représentent que le tiers des 132 000 migrants arrivés cette année.
M. Asselborn et le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramopoulos, se sont rendus vendredi sur l’île italienne de Lampedusa et devaient rejoindre samedi Athènes pour examiner l’avancée des «hotspots», ces centres de premier accueil et d’enregistrement des migrants.
L’UE espère qu’un premier «tri» pourra y être réalisé entre ceux dont la vie n’est pas menacée dans leur pays et ceux pouvant prétendre au statut de réfugiés.
Selon le HCR, 575 544 migrants sont arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l’année.
Réunis à Luxembourg, les ministres de la Justice de l’UE se sont inquiétés de la multiplication des discours xénophobes suscités par cette crise, notamment sur les réseaux sociaux.