Mario Pokar est le patron technique d’un Dudelange leader infaillible et qui doit beaucoup au talent de chef d’orchestre de son Allemand de l’entrejeu.
À quoi ça ressemble, d’être dans la tête de Mario Pokar? Créateur sans équivalent en Division nationale,l’ancien joueur de Kaiserslautern nous a expliqué sa vision du football.
L’importance de Mario Pokar dans le début de saison du F91 ne se mesure pas à ses statistiques, puisque bien qu’en tête du classement des meilleurs passeurs de ce championnat, ses cinq passes décisives restent modestes et pèsent de bien peu de poids par rapport à ce qu’il offre le reste du temps, quand il n’est pas décisif : un véritable créateur de solutions pour échapper aux situations de blocage.
Sébastien Rémy, manager du F91, le reconnaît, Mario Pokar sort de l’ordinaire dans tous les sens du terme. L’Allemand ne ressemble à rien de ce que l’on a connu dans ce siècle en Division nationale, mais à son sens, possède « un profil du genre Éric Delobel : grand, costaud, pas rapide, mais avec un rôle atypique capable de jouer court et long ».
Et depuis le début de saison, il est époustouflant à la baguette, trouvant des solutions là où il n’y en a pas. Ou plutôt là où personne d’autre que lui n’en voit. Bref, Pokar bluffe son monde et réinvente le genre : jamais le terme «dépositaire du jeu» n’a aussi bien porté son nom. Et le bougre le sait !
Le Quotidien : C’est quoi, ce niveau que vous avez depuis le début de saison?
Mario Pokar : Mais toute l’équipe joue bien en ce moment. Alors dans ces conditions, c’est plus facile pour moi. Il fallait aussi qu’on prenne le temps de comprendre comment le coach voulait qu’on joue. Maintenant, on sait.
Et dans cette vision de Dino Toppmöller, est-ce que les autres joueurs doivent rechercher Mario Pokar, ou est-ce que cela s’est fait naturellement?
Je suis un joueur qui veut montrer qu’on peut lui faire confiance. Quand on débute dans une équipe, on ne vous fait pas confiance, mais maintenant si, c’est le cas. Le coach, qui veut un football rapide et au sol, mais m’a autorisé à jouer long, n’a jamais dit non plus « recherchez Mario ».
Mais j’ai toujours aimé jouer comme ça et des fois, ce qu’il dit, c’est plutôt « Mario, on a une tactique, tu n’as pas besoin de demander chaque ballon et de dézoner ». Il y a des moments où je dois m’arrêter. Par exemple quand on joue avec deux numéros 6.
Tiens oui, d’ailleurs, on vous voit évoluer plus bas sur le terrain en ce moment…
Oui parce que les autres équipes savent comment on joue désormais. En fait, cela dépend qui l’on affronte. Plus bas, contre des équipes peut-être plus faibles, je suis plus utile pour organiser le jeu. Mais alors je suis plus loin du but…
Avez-vous l’impression que parfois, le jeu va trop lentement pour vous?
Je ne sais pas. Parfois, de l’extérieur, cela peut sembler comme ça, cela peut sembler plus facile que ça ne l’est véritablement. Il faut dire aussi que cela va un peu plus vite en Allemagne.
Ou dans votre tête?
C’est quelque chose que vous ne pouvez pas apprendre. Soit vous l’avez en vous, soit vous ne l’avez pas. Moi, au football, je ne sais pas tacler. Mes parents m’ont donné ça à la naissance.
On parle de quoi là? De vision du jeu?
En même temps, on travaille des systèmes et on s’entraîne tellement sur les déplacements que je sais normalement, quand je reçois le ballon, où doivent être mes coéquipiers. C’est forcément plus facile pour moi et j’essaie de décider avant de recevoir le ballon vers où je vais jouer. Mais on a beau s’entraîner, tout va toujours plus vite en match. Disons que les choix sont dictés à 50 % par le système et à 50 % par… moi.
Parce qu’il y a plein de choses qu’on ne peut pas apprendre et qu’il faut toujours une part d’improvisation. Le foot, ce n’est pas mathématique alors j’essaie de jouer la passe à laquelle les autres ne pensent pas. Parfois ça ne marche pas, mais je sais que je peux le faire parce que je crois en moi.
Ça vous arrive de surprendre même vos coéquipiers?
Parfois peut-être… Je ne leur ai jamais demandé. Peut-être qu’ils aiment ça, que ça les change ( il rit ) ! Moi, si j’étais attaquant, j’aimerais ça. De toute façon, il ne peut y avoir de bonnes passes que si les attaquants font les bons appels…
Si vous avez le choix entre une passe évidente qui peut déboucher sur une possible action de but et une passe compliquée qui a peu de chance de déboucher sur une occasion, mais qui si c’est le cas, offrira une chance unique…
Question difficile.
La plupart des joueurs choisirait vraisemblablement la sécurité d’une passe évidente.
Moi je ne suis pas sûr. D’ailleurs en ce qui me concerne, je préférerai par exemple toujours un attaquant qui marque huit buts sur une saison, mais se dévoue pour l’équipe par ses déplacements plutôt que celui qui marque 20 buts, mais ne bouge pas, ne fait que ça.
Vous avez appris ça où, le football comme vous le voyez?
J’ai été très chanceux. Dans les équipes de jeunes de l’Eintracht Francfort, pendant quatre ou cinq ans, on ne m’a appris à jouer que comme ça. Et comme j’avais la chance de voir des choses que les autres ne voyaient pas…
Julien Mollereau