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[Made in Lux] Du savon bien de chez nous


Marcel Jung s'est découvert une passion pour le savon, qu'il décline en parfums parfois très originaux. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Après s’être fait un jour arnaquer, Marcel Jung a lancé une contre-attaque qui sent bon l’amande, le beurre de karité… ou le vin rouge! Il produit en effet des savons «made in Luxembourg». Et ça cartonne.

La productivité ? Il s’en lave les mains. À Schuttrange, dans le sous-sol de sa maison, Marcel Jung vise seulement la qualité et l’originalité, s’amusant à combiner parfums et ingrédients naturels pour créer des savons purement artisanaux.

Enfant, j’allais sur la Côte d’Azur avec mes grands-parents. Et j’étais fasciné par les savons naturels qu’on trouvait sur les marchés et qui sentaient si bon», se souvient Marcel Jung.

Les années passent. Un beau jour, Marcel retourne en France avec sa femme et s’arrête dans un marché pour acheter le fameux «savon de Marseille». Grosse déception : «En rentrant, je me suis rendu compte qu’on s’était foutu de moi. Ce n’était pas du vrai savon, ça venait sûrement de Chine.»

L'étape du séchage, qui peut durer jusqu'à six semaines.

L’étape du séchage, qui peut durer jusqu’à six semaines.

Car nos amis marseillais n’ont pas protégé cette fameuse appellation qui, du coup, est récupérée par des industriels étrangers sans scrupules…

«Ça a été le déclencheur. Je me suis dit : puisque c’est comme ça, je vais le faire moi-même, le savon! Après le premier essai, j’en ai fait un autre. Puis un autre. Rapidement, je ne savais plus quoi faire de tous ces savons, donc, je les ai donnés à des voisins, des amis…» Qui, bientôt, en voudront d’autres.

C’est ainsi qu’est né, il y a sept ans, Juma Soaps (Juma, pour Jung Marcel). Dis comme cela, cela paraît simple. Mais l’ancien conducteur de train, désormais à la retraite, n’avait aucune formation en chimie. Il a donc dû potasser pour devenir un savonnier. «J’ai lu des bouquins, je me suis instruit sur toutes les herbes, sur les huiles, les graisses… Ça ne s’improvise pas. Par exemple, si vous mettez trop d’huile de noix, le savon rancit. Il faut connaître les harmonisations, les pourcentages, concentrations. Ça prend du temps de tout savoir.»

Savon au crémant et fraise fraîche

Mais pas de doute, Marcel s’est piqué au jeu. Il suffit de regarder la variété de fioles aux noms exotiques sur l’étagère de son petit labo, dans le sous-sol de sa maison à Schuttrange. «Ce sont des pigments, des huiles essentielles, des parfums naturels.»

On fait l’inventaire avec lui. «Ça, c’est de la boue de la mer Morte. Les Marocains l’utilisent pour faire un savon qui rend la peau lisse et agréable. Ça, c’est de la poudre de soie végétale. C’est extraordinaire pour protéger la peau. D’ailleurs, c’est un savon que les femmes adorent, il part tout de suite.»

On continue : citronnelle, noix de coco, curcuma, myrrhe, mais aussi huile de jojoba ou d’argan, beurre de karité et de multiples huiles essentielles, généralement bios.

Une étiquette nous surprend : un savon parfumé au vin rouge! «Le savon au vin rouge, c’est excellent, rit-il. J’en avais même fait avec du crémant et de la fraise fraîche.» Sentir le vin, est-ce vraiment une bonne idée? «Rassurez-vous, ça sent bon, et surtout c’est très bon pour la peau, je mets des feuilles de vigne dedans.» Après avoir reniflé le savon, on confirme!

On plaisante : pourquoi ne pas faire du savon à la bière? «Mais ça pourrait marcher, pourquoi pas! Car on peut presque tout faire. J’en fais avec du concombre frais ou avec des fleurs du jardin. Bientôt, je vais récolter des marrons, ça marche aussi très bien en savon.»

Des savons rigolos pour les enfants! «Je leur dis toujours qu'il faut laver le poisson, comme ça ils se lavent les mains», plaisante Marcel Jung.

Des savons rigolos pour les enfants! «Je leur dis toujours qu’il faut laver le poisson, comme ça ils se lavent les mains», plaisante Marcel Jung.

Certains produits ne sont pas donnés : «Le lait d’ânesse, c’est 100 euros le litre!» Pourtant, ses savons de base sont vendus à 4,5 euros pièce, très abordable au regard de la production artisanale et de la qualité.

Il les vend à domicile ou sur les marchés. «Le prochain sera ici, à Schuttrange, le 18 octobre, lors du marché aux noix. En novembre, je participerai à un grand marché à Differdange.»

La fabrication d’un savon lui prend en moyenne deux heures. Il utilise donc des huiles et des graisses végétales, différents parfums naturels, des laits, de la glycérine, sans oublier un produit très irritant et corrosif : la soude (lire l’encadré). Mais pas d’inquiétude, car tous les savons utilisent cette substance qui se transforme durant la production et devient inoffensive. «De toute façon, je vérifie le PH des savons à chaque fois», nous rassure-t-il.

La préparation terminée, il utilise différents moules. «Celui-là, par exemple, il est en forme de père Noël». Qui produit ces moules? «Les Chinois. C’est en silicone, c’est génial, mais c’est cher, 25 euros le moule.» Il a aussi des casiers qui servent à mélanger les substances afin de confectionner des savons multicolores.

Ensuite, les savons durcissent avec l’air et l’évaporation de l’eau, ce qui dure de quatre à six semaines, selon la composition.

Il a ainsi une gamme variée, depuis le savon ludique pour enfant jusqu’au savon thématique sur le golf. Ou encore certains savons spéciaux, destinés à soigner des problèmes comme l’acné, le psoriasis, l’eczéma… «J’ai même un copain pharmacien qui est intéressé par ces savons, car il ne trouve pas de savons vraiment naturels à vendre.»

Il pourrait même les vendre à des établissements huppés ou à des institutions, vu la qualité. «Si j’étais plus jeune de vingt ans, oui, je pourrais en fabriquer tous les mois, mais je préfère rester sur une petite production. Je veux que ça reste un plaisir. Je suis à la retraite quand même!»

Romain Van Dyck

Sa recette

«La différence entre mon savon artisanal et le savon industriel se manifeste à la saponification à froid avec de l’huile végétale, du beurre végétal, de l’eau ou du lait, et de la soude», écrit Marcel Jung. «La saponification est une réaction totale : elle continue jusqu’à épuisement de l’un des réactifs (huile ou soude). Pour garantir qu’il n’y a plus de soude dans le savon fini, il faut qu’il y ait un excès d’huile, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas tout à fait assez de soude pour transformer toute l’huile en savon.» «La saponification s’arrêtera alors quand toute la soude sera consommée et il restera de l’huile non saponifiée dans le savon final. Le savon sera dit « surgras ».» «Ce surgraissage va apporter une plus grande douceur et des propriétés nourrissantes et adoucissantes au savon. Ensuite, on l’enrichit avec des plantes ou fruits frais ou secs. Et pour conclure, il est parfumé (ou non) avec des huiles essentielles.» Petite précision : «C’est normal que le savon artisanal pique les yeux, mais ça ne veut pas dire qu’il est plus agressif que le savon industriel, au contraire, il est plus naturel.»

Juma Soaps, 9, rue de la Forêt à Schuttrange.

Pas de site internet, mais un GSM : 621 189 918.