« Risque existentiel » et de dislocation de l’Europe : accusé d’abuser de sa position de président pour les européennes, Emmanuel Macron multiplie les alertes pour justifier sa présence en première ligne de la campagne.
À quelques jours du scrutin de dimanche où les sondages donnent la liste qu’il défend au-coude-à-coude, voire derrière celle du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, le chef de l’État explique pourquoi il monte en première ligne et ne peut pas « être un spectateur, mais un acteur de cette élection européenne », dans un entretien publié mardi par une quarantaine de quotidiens régionaux.
Pour lui, cette élection « est la plus importante depuis 1979 parce que l’Union est face à un risque existentiel. Si, en tant que chef de l’État, je laisse se disloquer l’Europe qui a construit la paix, qui a apporté de la prospérité, j’aurais une responsabilité devant l’histoire », poursuit Emmanuel Macron.
La tête de liste PS/Place Publique Raphaël Glucksmann et les patrons du PS, du PRG et de Nouvelle Donne avaient par avance dénoncé une « tribune unilatérale », sollicitant « un droit de réponse ».
Au rang des propositions, Emmanuel Macron souhaite « une convention fondatrice européenne après les élections » mêlant dirigeants et citoyens, pour « définir la stratégie de l’Europe pour les cinq années à venir, y compris les changements de traités » qui pourraient en résulter. Le président français souhaite également « une taxation commune du kérosène en Europe ».
Lundi, il a appelé, avec le Premier ministre socialiste portugais, Antonio Costa, à « bâtir une grande coalition des progressistes » face à « ceux qui veulent détruire l’Europe par le nationalisme ».
La liste Renaissance, portée par LREM, espère constituer un groupe centriste au Parlement européen ralliant des élus de centre gauche, grâce à l’appui de dirigeants comme Antonio Costa ou encore de l’ex-chef du gouvernement italien, le social-démocrate Matteo Renzi.
Mais arriver derrière le RN réduirait la marge de manœuvre du président déjà affaibli par la crise des « gilets jaunes ». « Je ne me pose pas dans un tel cas de figure », balaie Emmanuel Macron. Par avance, il affirme qu’il n’envisage « absolument pas » le départ de son Premier ministre, Édouard Philippe, en qui il a « toute confiance ».
« Connivence »
Dans le camp présidentiel, l’alerte rouge est néanmoins décrétée contre le risque de voir le RN arriver en tête dimanche. D’autant que 56% des sympathisants de La République en marche seulement (50% des sympathisants du MoDem) se disent « certains d’aller voter » dimanche, selon une étude Ipsos/Cevipof/Fondation Jean-Jaurès/Le Monde parue lundi. Un chiffre en recul d’un point par rapport à la précédente enquête d’avril 2019.
La majorité fait feu de tout bois, comme le Premier ministre qui, après Vesoul lundi, est attendu mardi à Valenciennes et à Orléans jeudi.
Il s’est livré, comme le reste de la majorité à un tir de barrage concerté contre le Rassemblement national, accusé d’être le cheval de Troie des plans de Trump et Poutine pour affaiblir l’Europe. En ligne de mire : Steve Bannon, l’ex-stratège du président américain, Donald Trump, qui a enchaîné les interviews avec les médias français pour encenser Marine Le Pen.
Emmanuel Macron a affirmé voir « pour la première fois une connivence entre les nationalistes et des intérêts étrangers » pour démanteler l’Europe, qualifiant Steve Bannon de « lobbyiste proche du pouvoir américain ». Il s’en est également pris aux « Russes et quelques autres » qui « n’ont jamais été à ce point intrusifs pour financer, aider les partis extrêmes ». Il a toutefois souligné ne pas confondre « les États et certains individus, même « si les groupes d’influence américains ou les oligarques russes affichent des proximités avec les gouvernements ».
Steve Bannon n’a « aucun rôle dans la campagne » du RN, a assuré Marine Le Pen. Laquelle « n’a pas besoin de mon aide pour gagner » et réussir « un des plus grands retours de l’histoire », a complété l’intéressé.
Débat tendu et confus
Pendant ce temps, Nathalie Loiseau a défendu lundi soir le bilan de l’exécutif, lors d’un débat tendu et souvent confus de deux heures et demi avec d’autres « grandes » têtes de listes. Manon Aubry (LFI) a notamment raillé « l’hypocrisie » de « Docteur Loiseau et Mister Macron ».
Jordan Bardella (RN) a accusé François-Xavier Bellamy (LR) d’avoir repris son programme « avec des coquilles ». « Le Rassemblement national a parlé pendant des années du Frexit et comme par hasard, ce discours a disparu », a de son côté raillé la tête de liste LR.
Un autre débat mettra aux prises têtes de listes et chefs de partis mercredi sur France 2. Les têtes de listes se retrouveront pour une ultime confrontation jeudi sur BFMTV.
AFP