Après la condamnation des deux lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks, mercredi à Luxembourg, des ONG luttant contre l’évasion fiscale réclament « de réelles mesures de transparence » pour éviter qu’un tel procès ait à nouveau lieu.
Multinationales contre lanceurs d’alerte. C’est le match de foot très particulier qui a réuni mercredi après-midi, devant l’ambassade du Luxembourg à Paris, une quarantaine de militants d’ONG luttant contre l’évasion fiscale (Oxfam, Attac, CCFD-Terre solidaire, Peuples solidaires…).
À 15 heures, informée du verdict condamnant Antoine Deltour et Raphaël Halet, Lucie Watrinet, coordinatrice de la plateforme «Paradis fiscaux» au CCFD-Terre solidaire, a alors été chargée de «siffler la fin du match» et d’annoncer «avec beaucoup d’émotion» la victoire des multinationales, dont l’équipe n’avait «aucun supporter». «Je ne pensais vraiment pas que la peine allait être aussi élevée », confie la militante. « Il s’agit d’une reconnaissance de culpabilité très forte, et d’un signal très mauvais pour des gens qui ont agi dans l’intérêt général, en dénonçant des montages fiscaux qui privent les pays de milliards d’euros, pendant que les entreprises concernées, elles, ne sont pas condamnées.»
Lucie Watrinet se dit également «choquée» par les motivations des juges luxembourgeois, qui reconnaissent certes Antoine Deltour et Raphaël Halet comme des lanceurs d’alerte, mais estiment que le droit en vigueur ne les protège pas. «Dire que le droit n’est pas à la hauteur, c’est une manière de botter en touche, pour reprendre la métaphore du football. C’est extrêmement cynique, alors que la jurisprudence européenne existe bel et bien. Mais il est vrai que pour nous, ce sera une corde de plus pour obtenir une vraie législation européenne protégeant les lanceurs d’alerte, comme le demandent les Verts. On ne peut pas se permettre de miser à chaque fois sur la jurisprudence. Et cela pourrait redonner du sens à l’Union européenne» , estime la militante.
« Un reporting public pour tous les pays »
« Les gouvernements ne peuvent plus se contenter de l’action des lanceurs d’alerte pour mettre fin à l’hémorragie fiscale : il est temps de mettre en place de réelles mesures de transparence fiscale », écrivent les ONG réunis dans la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires.
Les ONG réclament notamment l’obligation pour les multinationales d’un reporting public sur leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices et les impôts payés, et ce pour leurs activités dans tous les pays, sans condition, « pour que des gens comme Antoine Deltour et Raphaël Halet n’aient pas besoin de mettre leur vie entre parenthèses et leur liberté en jeu », tance Lucie Watrinet. « On est encore loin du compte, ce sont des compromis insuffisants », déplore-t-elle quant aux récentes propositions de directives de la Commission européenne en la matière.
#LuxLeaks Qd le monde tourne à l’envers à nous de jouer pour le renverser ! Soutenons l’appel de #Deltour et #Halet pic.twitter.com/kRQS3eSTz0
— Attac France (@attac_fr) 29 juin 2016
Sylvain Amiotte