L’auteur de ces lignes a étudié durant ses études secondaires (voir l’exposition qui se déroule actuellement au MNHA à propos de la guerre froide) dans son cours d’anglais une lecture carrément anticommuniste de l’œuvre visionnaire 1984 de George Orwell, publiée en 1949. Au moment où le gouvernement s’obstine à acquérir des avions militaires A400M (dont d’autres États partenaires de l’alliance militaire doutent fortement), une guerre des drones se prépare – pilotée grâce à des engins (satellites) sous pavillon militaire grand-ducal – des centaines de jeunes gens sillonnent le cimetière devant l’ossuaire de l’ancien fort de Douaumont, où reposent les victimes du carnage de la bataille de Verdun.
Lors de cette bataille, le bruit des coups de canon de Verdun était audible à Luxembourg, racontent les témoins de l’époque. En chassant les Pokémon sur leurs téléphones mobiles, la mort, le traumatisme que constitue la guerre deviennent une banalité pour les jeunes générations, comme l’exprimait Hannah Arendt. («La banalité du mal» deviendrait-elle inévitable?) Ainsi, on peut se demander, vu l’agressivité de l’OTAN envers la Russie et vice versa, si la guerre froide est réellement terminée. Qu’on se rappelle : en 1914, les peuples partaient joyeusement en guerre et pensaient que l’excursion dans la capitale française allait devenir un court voyage de plaisance. Au plus tard après les massacres en Belgique, on savait qu’il n’en était rien. La chasse aux Pokémon est loin d’être anodine: plusieurs des anciens présidents des États-Unis d’Amérique vantaient les jeux informatiques comme préparation directe à la guerre.
Jean Rhein