Le sélectionneur luxembourgeois a grandi de 16 à 20 ans dans un centre de formation perdu à Montceau-les-Mines, en Bourgogne. Il en est revenu marqué à vie, dit-il, à trois jours de la rencontre entre les Roud Léiwen et les Bleus (samedi 20h45).
Pistonné par Benny Reiter qui, lui,n’a fait qu’un an sur place, Luc Holtz a parfait pas mal de choses dans ce club évoluant aujourd’hui en CFA. Notamment sa vision du foot. Moins de dix ans plus tard, il commençait à l’appliquer à Ettelbruck.
« Je ne vais pas dire que c’est ma deuxième maison, mais presque. » C’est comme ça, vingt-sept ans après y avoir passé quatre saisons, que Luc Holtz parle encore de la France. « J’aime ce pays. La nourriture, la mentalité des gens .» Ça remonte à la fin des années 80 et pour savoir ce qui s’est passé à Montceau-les-Mines, modeste club qui, à l’époque, joue en D2 hexagonale, il faudrait posséder au Grand-Duché des historiens que le sujet d’un jeune gamin de 16 ans mal dégrossi partant traîner ses guêtres dans la campagne bourguignonne puisse intéresser.
Ces années de formation de Luc Holtz, il en reste peu de traces. Elles sont pourtant fondamentales dans ce que sont aujourd’hui le sélectionneur et sa philosophie de jeu. « J’y ai appris beaucoup de choses dont je ne soupçonnais même pas l’existence, raconte-t-il à quelques encablures de sa troisième confrontation avec les Bleus. C’est grâce à ce que j’ai appris là-bas que j’ai développé cette thèse que la clef pour le développement d’un joueur, c’est le coach. » Comme pour s’excuser d’être trop métaphysique dans sa réponse, Holtz, qui a toujours laissé entendre qu’il ne se sentait footballistiquement pas luxembourgeois, complète : « Techniquement, la formation française est très, très intéressante. Quand ils auront mis leur mentalité et leur exigence tactique au niveau des Allemands, c’est simple, ils seront imbattables. »
Partir à Montceau, 20 000 habitants aujourd’hui (imaginez donc à la fin des années 80), pour en revenir avec un bagage philosophique, il fallait le faire. Passer trois ans dans une chambre d’un centre, s’autoriser une année dans son propre petit appartement pour revenir en DN (aux Red Boys) ressemble à un sacerdoce. Parce que Montceau… On se comprend?! Rires du sélectionneur : « Oui, enfin moi, vous savez, je viens d’Ettelbruck quand même… »
Perdu pour perdu, c’est le papa Holtz qui a sollicité l’assistance de Benny Reiter, alors attaquant du club et qui enflamme le stade des Alouettes. Il vient de Mertzig, il est prêt à aider un gars du Nord qui « a une grosse endurance, déjà une bonne technique, une certaine vision du jeu et une certaine intelligence ». Holtz est convoqué, fait un test, et reste. Ne pas sous-estimer la qualité de la formation qu’il y a reçu, ne pas prendre Holtz pour un illuminé revenu de l’Hexagone en pensant avoir découvert les Saintes Écritures du football, mais quand même : il dit avoir découvert une autre approche du ballon rond là-bas, Reiter dit se rappeler qu’il « y avait quand même beaucoup de physique au début. Bon après, c’est vrai, techniquement, les Français… Mais Holtz, il était déjà bon en arrivant ».
Au bout de son cursus, le futur sélectionneur national aura croisé deux monuments nationaux : Jean-François Jodar, qui conduira en 2001 la génération Le Tallec au titre de champion du monde des U17, mais aussi et surtout… l’actuel adjoint de Didier Deschamps, Guy Stephan, coach de l’équipe 1 entre 1988 et 1989.
Fulgurantes retrouvailles en perspective, samedi, au stade Josy-Barthel? « Je ne sais pas s’il se souviendra de moi, hésite Holtz. Mais si c’est le cas, ce sera forcément négatif .» Comment ça? « On faisait des matches d’entraînement A contre B, assez régulièrement. Lors de ces oppositions, les joueurs arbitraient eux-mêmes. Et un jour, il m’avait demandé de faire la touche. J’étais jeune et pas totalement irréprochable. J’avais fait n’importe quoi. Qu’est-ce qu’il m’avait engueulé! »
Insoumis par principe et gentiment bordélique, bref, un vrai Français.
Julien Mollereau