Accueil | Actualités | Luc Holtz : « Le jour où on aura 20 pros, on pourra espérer jouer l’Euro »

Luc Holtz : « Le jour où on aura 20 pros, on pourra espérer jouer l’Euro »


Luc Holtz compte sur Vincent Thill et Christopher Martins pour devenir, dans quelques années, les patrons de la sélection nationale. (photo Julien Garroy)

Alors que l’Euro débute ce vendredi, Luc Holtz, sélectionneur du Luxembourg depuis 2010, ne désespère pas, un jour, de voir les Roud Léiwen participer à une phase finale de grand tournoi. Dans six, huit, dix ans peut-être. Mais pas avant.

L’Ettelbruckois explique en détail dans quelle direction la formation luxembourgeoise doit travailler pour envisager de bousculer la hiérarchie dans les années qui viennent.

Est-ce complètement fou de penser que le Luxembourg peut viser une qualification pour l’Euro-2020?

Luc Holtz : Ça dépend toujours beaucoup du tirage. Regardez, en éliminatoires du Mondial-2018, on est tombés sur la France, la Suède et les Pays-Bas (NDLR  : ainsi que la Bulgarie et le Belarus). Ce n’est pas évident… Dans le foot, rien n’est impossible, mais je peux déjà vous dire qu’on ne passera pas l’été 2018 en Russie! Il faut rester réaliste  : je suis conscient du fait qu’on a 10  professionnels. Certains sont titulaires en Division 1, mais d’autres ont des problèmes. Cette saison, on a battu la Macédoine (NDLR  : 1-0 en septembre). Eh bien en Macédoine, sur la feuille de match, il y avait 20  vrais professionnels. Le jour où on aura 20  pros, on pourra espérer jouer une grosse compétition comme un Euro. Là, je le répète, on en a dix.

Au rythme auquel avancent les choses depuis votre arrivée à la tête de la sélection en 2010, le Luxembourg a-t-il quand même le droit de s’enflammer un peu?

Je sais qu’on a avancé. Quand je suis arrivé, il y avait un seul professionnel : Mario Mutsch. On a battu et résisté à des équipes contre qui on perdait tout le temps avant. Aujourd’hui, sur un match, on est capables de battre vraiment beaucoup d’équipes. Mais on est obligés d’être prudents. En mars, on a perdu contre l’Albanie et la Bosnie parce qu’à un moment, ces équipes ont fait entrer des joueurs qui apportaient un nouvel élan.

Moi, quand je fais des changements, c’est surtout parce que les titulaires sont fatigués. Je ne peux pas fermer les yeux sur notre réalité. Par exemple, trois de nos meilleurs jeunes –  Muratovic, Hall et Bohnert  – viennent d’apprendre qu’ils ne sont pas gardés à Sarrebruck (lire par ailleurs). C’est facile de dire qu’on veut être un joueur pro, mais c’est plus difficile de le devenir.

Vous pensez que c’est un problème de mentalité?

Il y a des efforts à faire. Il y a une évolution positive dans ce domaine, mais elle n’est pas encore satisfaisante. Je compare toujours ça à la météo. Parfois il pleut, parfois il neige, parfois il fait beau. La moindre des choses quand il fait froid, c’est de serrer les dents. Ça, ce n’est pas encore une évidence pour tout le monde.

Cet Euro en France marque le passage de 16 à 24  équipes. Cela change vraiment la donne pour l’équipe du Luxembourg?

Bien sûr qu’on a plus de chances de voir ce rêve s’accomplir. Mais il ne faut pas croire que les autres nations n’avancent pas. Le piège, c’est de croire que sous prétexte que nous avons réalisé des progrès, nous progressons forcément dans la hiérarchie. Je peux vous le dire, ailleurs, personne ne dort.

Combien de joueurs au potentiel de Vincent Thill et Christopher Martins faut-il avoir pour espérer disputer une phase finale d’Euro ou de Coupe du monde?

Déjà, il faut voir jusqu’où ces deux gamins vont aller. À eux de nous le montrer. En fonction de leur évolution personnelle et en club, on verra ce qu’on peut envisager. On parle là des deux plus gros talents luxembourgeois. Mais il y a d’autres modèles à suivre. Un Laurent Jans, par exemple, n’a pas le talent d’un Vincent Thill mais il a prouvé qu’avec des qualités athlétiques, mentales et d’intelligence, on pouvait devenir un bon professionnel. Jans est le meilleur exemple à suivre pour ceux qui auraient un doute sur le fait qu’avec du travail, on peut réussir.

Alors pour revenir à la question, prenons l’exemple de la Slovaquie, qui s’est qualifiée pour l’Euro et a battu l’Espagne dans notre groupe. Quand ils sont venus au Luxembourg chercher leur qualification (NDLR  : 2-4 en octobre), devant, ils avaient Hamsik qui est une star à Naples et derrière, Skrtel, qui est un patron à Liverpool. À côté d’eux, il y a des très bons pros, mais pas des gars de ce niveau. Dans le futur, je dis bien dans le futur, Vincent et Christopher peuvent être nos leaders.

Quand vous regardez les participants de cet Euro-2016, lequel vous donne le plus d’espoir  : l’Islande, qui est un pays encore plus petit que le Luxembourg (325  000  habitants contre 575  000) ou l’Irlande du Nord, que vous avez dominée en éliminatoires du Mondial-2014

(1-1, 3-2)?

J’ai le plus grand respect pour l’Islande! Là-bas, il y a 100  joueurs professionnels. C’est énorme vu la taille de ce pays. Au niveau social et de la scolarité, tout a été rectifié. En Islande, tous les jours à l’école, il y a du sport. Je ne parle pas que du foot. Mais les enfants au Luxembourg, ils font combien d’heures de sport par semaine à l’école?

Vous avez essayé d’en parler au ministère de l’Éducation nationale?

Non. Je suis déjà d’avis qu’on fait trop de politique dans le sport. Si moi, Luc Holtz, je vais voir un ministre, on va me dire : « T’es gentil, mais tu restes à ta place. »

Revenons à l’Islande. Y a-t-il des méthodes de travail qui peuvent être adaptées au Luxembourg?

Il y a forcément des choses à piocher. Quand je suis en Allemagne et en France, j’apprends énormément, mais ce n’est pas toujours adapté aux petits pays. Je me suis beaucoup intéressé à la progression de l’Islande. Il y a une chose qui m’a marquée. Là-bas, les gamins pratiquent vraiment tous les sports. À 16  ans, beaucoup de joueurs ont le choix entre l’équipe nationale de football et celle de handball –  parce qu’il faut aussi dire que ce sont des armoires!

Au Luxembourg, on les spécifie trop vite. Moi, je n’aurais aucun problème à ce que mon fils qui a 7  ans fasse du foot, du hockey, du hand et du basket. Pour la coordination, pratiquer d’autres sports, c’est extrêmement utile.

Vous disiez que la fédération islandaise avait recruté les meilleurs coaches. Il y a quelques années, la FLF a engagé Manou Cardoni, justement réputé pour être l’un des meilleurs du pays…

E t j’ai longtemps embêté le président (NDLR : de la FLF, Paul Philipp) pour qu’on le prenne. Manou fait de l’excellent boulot, oui.

Concrètement, il y a des domaines dans lesquels le footballeur luxembourgeois doit radicalement progresser?

Il y a à peu près cinq ans, je coachais nos U15 contre Trèves. On a gagné 6-2. Le premier constat, c’est qu’on était meilleurs qu’eux techniquement. Puis j’ai analysé le match et ça m’a sauté aux yeux  : tous leurs joueurs couraient plus vite que les nôtres. Tous, sans exception. Je me suis dit  : il n’est pas logique que le gars qui est né au Luxembourg soit plus lent que celui qui est né à Trèves.

Ma conclusion, c’est qu’on ne travaillait pas assez le sprint. Mais ça, il faut le faire tout petit, de 7 à 13  ans. Il faut travailler ça au maximum. Laissons nos enfants courir!

Matthieu Pécot

Un commentaire

  1. Moi aussi je pense aue dans un futur proche, nos roud léiwen peuvent se qualifier pour un euro. Toutefois, je note qu’un des principaux soucis de l’équipe, c’est de jouer très bien face aux grandes équipes (Italie, Espagne, Portugal) avec un niveau tactique impressionant, et très mal face aux équipes moins ‘appetissantes’ (Malte, Albanie, Slovaquie).Je pense que si les joueurs donnaient le maximum lors de ces matchs là, alors on pourrait déjà arriver 3emes du groupe de qualification… en tout cas, trè bon travail de Holtz!