Les opposants à la loi travail vont manifester sous haute surveillance jeudi à Paris, sur un trajet ultra-court obtenu de haute lutte après un bras de fer entre gouvernement et syndicats, qui concentrent désormais leurs critiques sur Manuel Valls.
La CGT et FO, à la pointe de la mobilisation, en appellent désormais à François Hollande pour sortir de la crise, mais ce dernier a répété jeudi qu’il irait « jusqu’au bout » sur la loi travail. Après les violences survenues en marge du défilé du 14 juin à Paris, aucun débordement « ne sera toléré », a averti le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Plus de 2.000 fonctionnaires de police sont mobilisés pour sécuriser la manifestation dont le trajet a été resserré sur 1,6 km. Il partira de la place de la Bastille à 14h vers le bassin de l’Arsenal, pour revenir sur la place.
A quelques heures du défilé, le quartier se préparait à une éventuelle casse: vitres d’abribus démontées, pieux en bois clôturant les parties végétales du boulevard Bourdon retirés… Certains commerçants hésitaient à fermer boutique. « J’en ai vu des bien pires ! De toute façon c’est une manifestation de CRS, pas de manifestants ! » plaisantait un kiosquier.
La présence des forces de l’ordre était déjà palpable et les CRS fouillaient les sacs aux abords de la place.
Philippe Martinez, numéro un de la CGT, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, défileront ensemble aux côtés des leaders de FSU, Solidaires et des organisations de jeunesse Unef, UNL et FIDL.
A l’origine, les syndicats voulaient marcher de Bastille à Nation. Les autorités leur demandaient, elles, un rassemblement « statique » pour « mieux sécuriser la manifestation ».
Initialement, la mobilisation de jeudi n’était pas censée être une date-clé. Philippe Martinez avait même prévu de défiler à Bordeaux. Mais les menaces d’interdiction des deux têtes de l’exécutif ont changé la donne. Jusqu’à l’interdiction décrétée mercredi matin, une première depuis 1962, qui a provoqué un tollé côté syndical et politique avant d’être levée.
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Le défilé de jeudi défendra aussi « le droit à manifester, garant de la démocratie », a souligné M. Martinez.
La CGT et FO concentrent leurs critiques sur Manuel Valls. « A chaque fois qu’on essaie d’apaiser les choses, le Premier ministre remet de l’huile sur le feu (…) en dénigrant les syndicats », a dénoncé M. Martinez, qui demande avec les autres syndicats à être reçu par le chef de l’Etat. « Il faut que Hollande prenne les affaires en main », juge-t-il.
M. Mailly a lui aussi estimé que M. Hollande allait devoir « à un moment donné prendre une responsabilité » dans le conflit.
Syndicats et gouvernement se renvoient la balle sur leurs responsabilités respectives concernant la sécurité des défilés. Depuis mars, des casseurs s’immiscent dans les manifestations.
« Problème de coordination des ordres »
Le 14 juin – mobilisation nationale à Paris ayant réuni 75.000 à 80.000 personnes, selon la police, un million, selon les organisateurs – a été marqué par des violences et d’importantes dégradations, notamment de l’hôpital Necker-Enfants malades.
CGT et FO ont renforcé leurs services d’ordre mais n’en démordent pas: à eux la sécurisation à l’intérieur des cortèges, aux forces de l’ordre l’extérieur.
Huit organisations, dont la CGT, FSU, Solidaires et la Ligue des droits de l’homme, réclament une enquête parlementaire sur les « dysfonctionnements » du maintien de l’ordre. Pour Nicolas Comte, d’Unité-police SGP-FO, « tous les moyens n’ont pas été donnés » aux forces de l’ordre lors des derniers cortèges dans la capitale.
Le défilé parisien entre dans le cadre d’un appel national à grèves et manifestations dans toute la France, le dixième depuis mars à l’initiative de sept syndicats (CGT, FO, Solidaires, FSU, UNL, Unef, Fidl).
En régions, les opposants avaient déjà commencé à battre le pavé dans la matinée, notamment Marseille et Rennes, où de jeunes manifestants encagoulés ont réussi à déborder les syndicats et à s’imposer en tête.
Aucune perturbation n’est prévue à la SNCF. L’Aviation civile attend « des retards possibles », et Easyjet a préventivement annulé une soixantaine de vols. Dans l’énergie, des militants ont procédé à des coupures de courant et autres actions ciblées.
Pour l’intersyndicale, le mot d’ordre reste le retrait du projet de loi travail, jugé facteur de précarité pour les salariés.
Le texte est examiné au Sénat jusqu’à vendredi avant un vote le 28 juin, date d’une nouvelle mobilisation.
Le Quotidien / AFP