Des milliers de manifestants défilaient mardi à Paris et dans les grandes villes avec l’objectif de «se faire entendre encore plus fort», lors d’une sixième journée de mobilisation contre le projet de loi travail, démarrée à l’aube par des barrages de routiers.
A Paris, plusieurs milliers de personnes ont commencé à défiler peu avant 14h30. «Retrait, retrait de cette loi du pognon, c’est la loi des patrons», crachait la sono en tête de cortège.
En régions, les manifestations ont rassemblé entre 3 500 (police) et 10 000 personnes (syndicats) à Nantes où des affrontements ont éclaté, 6 800 à 80 000 à Marseille, 2 300 à 8 000 à Toulouse, 1 700 à 7 000 à Lyon, 1 400 à 3 000 à Montpellier, entre 1 100 et 2 000 à Rennes ou encore 1 600 à 7 000 à Grenoble, selon les sources.
A Marseille, plusieurs centaines de personnes derrière une banderole «jeunes13énervés» se sont placés en amont du cortège officiel, que les organisateurs ont arrêté plusieurs fois pour éviter une jonction. Le service de sécurité a été musclé. «On veut montrer au public et aux pouvoirs publics qu’on fait tout pour éviter les débordements», a expliqué un membre du service d’ordre syndical phocéen.
Le service d’ordre (SO) de la CGT, attaqué par des manifestants le 12 mai, était aussi très visible à Paris où des jeunes criaient encore «SO collabos». Les casseurs, «ça suffit et ça ne pourra pas rester sans réponse», a prévenu mardi matin François Hollande. Le président a assuré qu’il ne «céderait pas» sur une réforme qui «a été discutée», «concertée» et «corrigée».
La journée d’action de mardi et celle prévue jeudi, à l’initiative de sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl), sont les sixième et septième en un peu plus de deux mois pour contester le texte de la ministre du Travail Myriam El Khomri, jugé trop favorable aux entreprises. «Avec cette loi, les patrons feront ce qu’ils veulent des salariés», résume Eric Sarcinella, un électricien de 52 ans défilant à Lyon.
«Oreilles bouchées»
Adopté sans vote en première lecture la semaine dernière après un recours à l’article 49-3, le projet instaure la primauté des accords d’entreprise sur ceux de branche en matière de temps de travail. Avec un accord d’entreprise, la majoration des heures supplémentaires pourra être baissée à 10% au lieu des 25% généralement pratiqués. Un dispositif qui fait craindre notamment aux routiers une chute de leur rémunération.
Des actions lancées à l’aube par les fédérations des transports CGT et FO ont conduit à la paralysie de la zone portuaire et industrielle du Havre, du port de Saint-Nazaire et de la raffinerie de Donges, près de Nantes. Opération escargot à Rennes, barrage filtrant à Caen, manifestation sur l’autoroute au Mans, blocage d’un centre logistique près de Lille, d’une centrale d’achat bordelaise… Des barrages filtrants ont aussi été installés à l’aéroport de Perpignan ou encore à Fos-sur-Mer.
A un mois de l’Euro de football en France, des grèves reconductibles étaient également annoncées chez les dockers, marins, facteurs, et à partir de mercredi à la SNCF, où des revendications internes s’ajoutent au rejet de la loi travail. La SNCF prévoit un TER sur deux, 40% des Intercités, deux TGV sur trois et, en Ile-de-France, 3 RER sur 4. Des perturbations sont également attendues dans les airs jeudi.
Il s’agit pour les syndicats de relancer le mouvement, moins suivi la semaine dernière avec 55.000 manifestants recensés par les autorités, contre 390.000 (1,2 million selon les syndicats) le 31 mars. Les opposants au projet espèrent profiter de la lenteur du processus parlementaire: le texte doit être débattu en juin au Sénat avant un retour à l’Assemblée, pour une adoption définitive, d’ici à fin juillet.
Cette semaine sera «déterminante en terme de mobilisation des salariés», estimait Cécile Gondard-Lalanne (Solidaires). «On n’a pas été entendus, donc on va se faire entendre encore plus fort», a affirmé Philippe Martinez (CGT), en constatant «une mobilisation importante». Le président a «les oreilles bouchées», a-t-il regretté. Quant au secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, il a appelé le gouvernement à «ouvrir les yeux», soulignant qu’il était encore possible de «modifier le texte».
Le Quotidien/AFP