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Loi travail : le mouvement prend une nouvelle ampleur


Manifestation contre la loi travail, le 26 mai 2016 à Paris. (Photo : AFP)

Blocages en cascade, pénurie de carburants, perturbations sur les routes, les ports et les centrales nucléaires, nombreux défilés : la contestation au projet de loi travail a pris jeudi une nouvelle ampleur et créé des dissonances majeures au sein du gouvernement, à la recherche d’une sortie de crise.

Inédite sous un gouvernement socialiste depuis 1981, la mobilisation entamée il y a deux mois et demi est montée d’un cran depuis le week-end dernier avec l’entrée en lice des salariés des sites pétroliers et des difficultés d’approvisionnement en carburant. A un peu plus de deux semaines de l’Euro de foot et pour éviter la paralysie du pays, le gouvernement cherche une issue face à la combativité de la CGT.

La confusion face à des discours contradictoires dans la majorité et le gouvernement a été exacerbée après que le Premier ministre Manuel Valls a recadré son ministre des Finances Michel Sapin, réaffirmant qu’il «ne toucherait pas» à l’article 2 du projet, le plus contesté. Depuis le Japon, François Hollande lui a donné raison. Le leader de la CGT Philippe Martinez a ironisé sur ces cafouillages et estimé que le président Hollande «n’a plus la majorité».

Cet article donne la primauté aux accords d’entreprises dans l’aménagement du temps de travail, une ligne rouge pour les syndicats qui redoutent le dumping social. «FO n’acceptera jamais, je dis bien jamais, l’inversion de la hiérarchie des normes», a réaffirmé le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, au départ de la manifestation à Paris en début d’après-midi. «Tous ensemble, tous ensemble, grève générale», criait une femme dans un mégaphone, dans cette manifestation encadrée par un gros dispositif de forces de l’ordre. «Valls, Hollande font le jeu du FN», proclamait une pancarte. La Préfecture de police a fait état de sept interpellations à Paris, notamment pour port d’arme prohibé et dégradations en début de manifestation.

Dès la matinée, des défilés avaient rassemblé, selon les préfectures, 7 400 manifestants au Havre (30 000 selon les organisateurs), 3 500 manifestants à Rennes (8 000 selon FO), 3 300 à Rouen, 3 000 à Lyon, 2 500 à Saint-Nazaire (4 500 selon la CGT), 1 550 à Clermont-Ferrand (7 000 selon la CGT). A Caen, après une manifestation officielle de 2 000 personnes, les forces de l’ordre ont chargé un rassemblement sauvage en utilisant des gaz lacrymogènes.

Mouvement justifié pour 6 Français sur 10

L’Ouest a été à nouveau très touché par cette 8e journée d’action nationale à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU-Unef-Fidl-UNL. Le blocage de la zone aéroportuaire de Nantes, qui a entraîné de gros bouchons, devait être levé à 16h00 mais reprendre vendredi à 4h00, selon la CGT Airbus Nantes. Egalement en Loire-Atlantique, la raffinerie Total de Donges était «à l’arrêt complet depuis ce (jeudi) matin», d’après la CGT.

A Cherbourg, fief du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, l’usine de sous-marins nucléaires du groupe DCNS, qui emploie 2 000 personnes (hors sous-traitant) a été «totalement bloquée» par des grévistes jusqu’en début d’après-midi. En marge du mouvement, un syndicaliste CGT a été tué à Cherbourg et un autre a été grièvement blessé dans un accident de la route. Les deux hommes à moto ont été «percutés par une voiture qui faisait demi-tour devant une déchetterie» fermée pour grève, selon la police.

Le sud du pays n’était pas en reste avec plus d’un millier de manifestants à Marseille et Montpellier ou encore le blocage par la CGT des dépôts de carburants d’Ajaccio et de Bastia. A Fos-sur-Mer, un manifestant a été sérieusement blessé par un véhicule qui a voulu forcer un barrage de la CGT, et à Vitrolles, un chauffeur de poids lourd a blessé très légèrement deux manifestants en tentant de forcer un barrage.

Dix centrales nucléaires, sur les 19 du parc français, connaissaient des baisses de production, selon la CGT, mais la grève n’entraînait pas de problème d’approvisionnement électrique, a assuré RTE, gestionnaire du réseau national à haute tension. Peu de perturbations à la SNCF également et aucune dans les aéroports parisiens. En revanche, aucun quotidien national, à l’exception de L’Humanité, n’était en kiosque jeudi. Avec six raffineries sur huit à l’arrêt ou au ralenti et environ un cinquième des quelque 11 500 stations-service en rupture partielle ou totale d’approvisionnement, les sites pétroliers retenaient toute l’attention du gouvernement. Manuel Valls recevra les acteurs du secteur samedi.

Partisan du projet de loi, le numéro un de la CFDT Laurent Berger a dénoncé «l’hystérisation» du climat. Selon un sondage Ifop pour RTL publié jeudi, six Français sur dix estiment le mouvement contre la loi travail «justifié».

Le Quotidien/AFP