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Entretien avec le nouveau président de l’OGBL, André Roeltgen


À peine élu, le nouveau président de l’OGBL, André Roeltgen, revient sur le compromis trouvé avec le gouvernement et esquisse les lignes directrices de son action future à la tête du syndicat.

Le dialogue social est réactivé et le néo-président de l’OGBL se dit optimiste pour l’avenir, même s’il subsiste une divergence de vues avec le gouvernement quant à la situation des finances publiques.

L’OGBL a conclu il y a dix jours un accord avec le gouvernement concernant une révision de certaines mesures contenues dans le paquet pour l’avenir. Peut-on dire dans ce sens que le dialogue social est de nouveau à l’ordre du jour ?

André Roeltgen : Je peux affirmer, au terme de nos trois rencontres avec le gouvernement, que le dialogue social a fonctionné. Il est aussi évident que l’opposition massive de l’OGBL par rapport au projet budgétaire a finalement été nécessaire pour arriver à une situation où nous avons eu la possibilité d’entrer en négociation avec lui. Cela étant, il faudra voir comment évolue le dialogue social au cours des prochains mois au sujet de la réforme fiscale globale. Il s’agit là de LA grande question !

Êtes-vous in fine satisfait de ce compromis ?

Je ne vais pas dire que nous sommes euphoriques, mais nous sommes satisfaits, c’est évident. Cependant, il reste une divergence de vues avec le gouvernement quant à l’appréciation des finances publiques. De notre côté, nous n’estimons pas que leur situation est préoccupante ni qu’elles ne seraient pas saines. De même concernant la dette publique, que nous ne jugeons pas comme n’étant plus acceptable. Mais d’une manière générale, l’objectif visant à considérablement baisser l’impact négatif du paquet pour l’avenir d’un point de vue social, et surtout par rapport au pouvoir d’achat des ménages, a été atteint.

Dans quelle ambiance se sont déroulées les trois bipartites ?

Tout d’abord, je tiens à souligner que le terme « bipartite » n’est pas approprié. Nous n’étions jamais dans une logique de bipartites. Je qualifierais ces discussions de « négociations entre syndicats et gouvernement ». Cela dit, l’ambiance était bonne, finalement. Ce n’étaient certainement pas des négociations houleuses. Chaque partie a fait preuve de calme et tout s’est bien déroulé.

Le Premier ministre a-t-il véritablement fait preuve d’ouverture ou a-t-il lâché du terrain uniquement sous la menace brandie par les syndicats d’organisation d’actions de protestation ?

Aurions-nous pu discuter sans avoir mis la pression par ce biais ? Là est toute la question. L’annonce de potentiels mouvements de protestation a certainement été l’élément déclencheur de la tenue de ces négociations. C’est d’ailleurs souvent de cette manière que cela se passe.

Il s’agissait donc de la bonne méthode pour provoquer ces trois entrevues ?

On peut qualifier ces négociations de constructives et une certaine créativité s’en est dégagée. Il s’est avéré que de nouvelles idées sont apparues au cours de celles-ci. Je pense, par exemple, à la revalorisation du congé parental ou à notre revendication de l’introduction d’un modèle de droit individuel au travail à temps partiel combiné à une retraite partielle, ainsi qu’au projet, dont les détails restent à discuter, de la mise en place d’un système d’adaptation au niveau des prestations familiales par rapport à l’évolution du salaire médian.

Pour faire toute la lumière sur ces réunions qui se sont déroulées à huis clos : peut-on évoquer de véritables négociations ou le gouvernement a-t-il mis sur la table certaines concessions « à prendre ou à laisser » ?

Il a été question de véritables négociations. Le gouvernement n’a, à aucun moment, mis un document sur la table et dit : « C’est cela ou rien. » Les points sur lesquels les deux parties étaient disposées à discuter ont tout d’abord été dégagés. Un échange mutuel des positions respectives a suivi : propositions et contre-propositions ont été émises.

Sur le fond, quel(s) point(s) du compromis saluez-vous ?

Notre premier succès concerne le fait que le gouvernement retire sa proposition de nouvelle contribution pour la jeune enfance de 0,5 %. Celle-ci sera remplacée par un impôt temporaire et il est prévu qu’il disparaisse à l’occasion de la mise en application d’une nouvelle loi découlant du projet de réforme sur la fiscalité. Le deuxième concerne le fait que cet impôt se base sur un principe de progressivité, alors que ce n’était pas le cas avec la contribution. C’est une avancée. Les personnes touchant le salaire social minimum non qualifié seront immunisées. On peut continuer à parler des 0,5 %, mais c’est archifaux, selon la progressivité de cet impôt. Par ailleurs, la revalorisation du congé parental est un point primordial.

Et concernant les réformes dans le domaine de la sécurité sociale ?

Dans cet accord, qui est un accord écrit, et je tiens à le souligner, il est dit que le gouvernement s’engage à ne pas augmenter les contributions individuelles au niveau des prestations des assurances sociales et il s’engage à ne pas baisser le niveau des prestations. Il s’est également engagé à maintenir sa quote part de financement des assurances sociales à un niveau proportionnel. Et à respecter les grands principes des conventions collectives de travail dans le secteur des aides et de soins et dans le secteur hospitalier – les conventions SAS et FHL.

Que peut-on dire au niveau de la politique de l’emploi ?

Nous avons trouvé des solutions par rapport à toutes les dégradations qui avaient été initialement proposées et que nous avons fortement attaquées. Ainsi, les mesures temporaires anticrise en ce qui concerne le chômage partiel et l’indemnisation du chômage resteront en place aussi longtemps que la situation ne s’améliorera pas « significativement », d’après la tournure de l’accord, sans que cela ne soit calculé de manière « paramétrique ». Nous avons également trouvé un accord sur l’aide au réemploi.

À l’inverse, sur quel(s) point(s) regrettez-vous que le gouvernement soit éventuellement resté inflexible ?

Il y a eu, je pense, des changements sur tous les points qui ont été négociés. Mais il y a certains volets qui n’ont pas été discutés du tout. Je pense par exemple à toutes les nouvelles taxations. Mais il fallait un cadre en vue de trouver des accords à court terme, sur des points que nous avons jugés essentiels.

Il reste cependant toute cette logique relative aux coupes budgétaires réalisées avant tout au détriment de l’État social.

Suite à la conclusion de l’accord, Xavier Bettel a déclaré que « ce gouvernement veut préserver la justice sociale ». Est-ce votre avis ?

En partie, si l’on considère que nous sommes parvenus à réviser vers le bas les conséquences négatives sociales et au niveau du pouvoir d’achat du paquet pour l’avenir. Mais il faut rester objectif : ce paquet pèse surtout sur les épaules des ménages et des personnes physiques.

En conclusion, le pays risque-t-il toujours de connaître un « sombre avenir », selon l’intitulé de votre dernier éditorial, ou cet avenir pourrait-il s’éclaircir suite à ce compromis ?

Outre cet accord, nous avons connu une situation de dialogue social avéré, même si celui-ci avait accusé du retard. S’il reste à discuter la réforme fiscale future, nous sommes à présent en possession d’un papier visant à structurer le dialogue entre gouvernement et partenaires sociaux, dans le contexte du processus du semestre européen. Mais je ne parle pas de tripartite! Selon ce document, quatre rencontres sont prévues au cours de l’année prochaine. Une première entrevue, fin janvier, aura pour objet d’analyser l’examen annuel de la croissance, publié par la Commission européenne. Le second rendez-vous, qui nous permettra d’évoquer le pacte de stabilité et de croissance ainsi que le plan national de croissance, aura lieu fin mars. Soit avant la présentation des objectifs budgétaires du Luxembourg à Bruxelles et avant le discours du Premier ministre sur l’État de la nation. La troisième rencontre, avant l’été, nous permettra d’échanger sur les premières propositions concernant la politique budgétaire qui sera appliquée en 2016. Enfin, une quatrième réunion, en octobre, nous offrira l’opportunité d’une analyse générale de la situation sociale et de l’emploi au Luxembourg.

En clair, une certaine structuration du dialogue social est mise en place. Si cela fonctionne, le gouvernement aura tenu sa promesse de « revitalisation » du dialogue social. Il s’agit d’un signal de départ et je m’en trouve optimiste !

Le patronat n’a pas été associé aux entrevues que vous avez eues avec le gouvernement, mais il sera reçu séparément le 22 décembre…

Les entreprises ne sont pratiquement pas concernées par le paquet d’avenir. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi un syndicat (NDLR : le LCGB) veut se mettre à trois autour de la table, pour une tripartite. Et je ne comprends pas quels problèmes ont les entreprises avec cette politique budgétaire, parce qu’elles recevront leurs millions demandés au niveau de la mutualité. Mais je ne vais pas m’immiscer là-dedans. Le gouvernement a le droit de rencontrer qui il veut et à n’importe quel moment. Ce que je trouve un peu désolant, c’est de dire : « Le gouvernement a négocié avec les syndicats, maintenant c’est notre tour ! », et ce, compte tenu des points que nous avons négociés…

Vous venez d’être élu président de l’OGBL à l’occasion de votre congrès. Peut-on dire que l’accès à cette fonction constitue le couronnement de votre carrière ?

Je répondrais par l’affirmative dans le sens où je n’aurai pas de vie professionnelle autre que celle de syndicaliste. Être le président du syndicat le plus fort et le plus important du Luxembourg constitue dès lors certainement un « couronnement » d’un point de vue professionnel. Je ne m’orienterai pas vers le monde politique par la suite. Cela est exclu!

Vous prenez la succession de Jean-Claude Reding. Doit-on s’attendre à un changement radical de style – sur la forme et/ou sur le fond – par rapport à lui ?

Il y a toujours des différences au niveau de la personnalité et du caractère des gens. Le plus important est qu’il n’y aura pas de révolution sur le fond, c’est-à-dire sur le contenu de la ligne syndicale, qui suivra une certaine continuité.

Quand Jean-Claude Reding a succédé à John Castegnaro, il y a bien évidemment aussi eu des changements de style. Mais en ce qui concerne le travail de syndicaliste, il y a une continuité. Il y a un certain conservatisme quand on parle de continuité mais dans sa continuité, l’OGBL est finalement en changement permanent. Cela vaut pour le passé et pour le futur.

Quels seront les objectifs prioritaires de votre action future ?

Ma priorité absolue sera de sauvegarder l’État social dans toutes ses composantes. Ensuite, il sera question de faire évoluer la politique tarifaire. Je pense par exemple aux nouveaux secteurs économiques, où l’implantation syndicale fait défaut et où les salariés ne sont pas couverts par des conventions collectives de travail. Je songe également à l’introduction de nouveaux modèles de temps de travail. Et donc pas uniquement ce qui touche aux négociations salariales.

Pour conclure, quelle expression traduirait avec exactitude votre ambition ?

La volonté de renforcer le mouvement syndical luxembourgeois !

Entretien avec Claude Damiani

 

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