«Séjours de luxe et cadeaux en échange de renseignements et de services»: l’ancien numéro 2 de la PJ de Lyon, Michel Neyret, comparaît ce lundi pour «corruption» aux côtés de huit autres prévenus devant le tribunal correctionnel de Paris.
Celui qui dirigea durant vingt ans la prestigieuse brigade antigang de Lyon est également soupçonné de s’être procuré ou d’avoir tenté de se procurer du cannabis provenant de saisies pour rétribuer des informateurs. La question des relations ambiguës entre policiers et «indics» sera au centre des débats, Michel Neyret ayant justifié ses pratiques par le souci «d’obtenir des résultats (grâce) à une politique offensive de recueil de renseignements qui sous-tendait l’existence d’informateurs de haut niveau».
Et de fait, pendant ses trente-deux ans de carrière, le policier, adulé de ses équipes et de ses supérieurs, a multiplié les performances dans des enquêtes sensibles visant des braqueurs, trafiquants de drogues ou terroristes qui ont bâti sa légende et lui ont valu la Légion d’honneur. «C’était un excellent flic pour ne pas dire un flic exceptionnel, ce qui s’est fait de mieux en tant que chef de brigade de recherche et d’intervention», a salué lundi sur Europe 1 l’ex-directeur central de la police judiciaire Christian Lothion.
Mais le 29 septembre 2011, tout bascule lorsqu’il est interpellé à son domicile avec sa femme par la police des polices. Mis en examen pour corruption, il sera écroué huit mois avant d’être révoqué de la police et mis à la retraite. Lundi, l’ex-commissaire divisionnaire, habitué des salles d’audience où il a souvent présenté les résultats de ses enquêtes, se trouvera cette fois sur le banc des prévenus. Poursuivi pour huit délits dont corruption et trafic d’influence passifs et détournement de scellés de stupéfiant, il encourt 10 ans de prison.
«L’escroquerie à l’amitié»
Parmi les huit autres prévenus: son épouse Nicole, trois de ses anciens subordonnés Christophe Gavat, Jean-Paul Marty et Gilles Guillotin, trois membres présumés du milieu lyonnais, Gilles Benichou, Stéphane Alzraa et Cyril Astruc et un avocat David Metaxas. Stéphane Alzraa, en fuite, sera représenté par son avocat. L’affaire Neyret a débuté en février 2011 par des écoutes réalisées dans le cadre d’une enquête sur une saisie de drogue en région parisienne.
Les policiers tombent des nues lorsqu’ils entendent un inconnu, qu’ils identifieront comme étant Gilles Benichou, connu pour des affaires d’escroqueries, se vanter d’avoir dans sa poche un ponte de la police: Michel Neyret. L’enquête judiciaire démontrera que le policier est intervenu à plusieurs reprises en faveur de Benichou et de ses proches, dont Alzraa et Astruc. Le policier leur a fourni des informations confidentielles et n’a pas hésité à plaider leur cause auprès de collègues et de magistrats.
Selon l’accusation, l’ex-super flic aurait bénéficié en échange de séjours au Maroc et sur la Côte d’Azur dans de luxueux hôtels, de montres de prix et de remises d’espèces, avant la création d’une société suisse au nom de son épouse avec un compte à Dubaï où il aurait dû percevoir des commissions, selon Benichou. Une version contestée par Neyret qui met en avant sa volonté d’obtenir des informations et l’amitié qui le liait à Benichou. Mais qui manipulait l’autre ?
«Michel Neyret faisait partie des gens qui étaient très attirés par ces contacts avec les voyous (…) pour avoir des informations, faire des affaires», a témoigné Christian Lothion. Mais «ces gens qu’il considérait comme ses amis ne voulaient en fait que le corrompre et obtenir de lui certains renseignements. Ce sont des escrocs professionnels qui ont inventé pour lui, l’escroquerie à l’amitié», a estimé l’ex-patron de Neyret.
«Que Michel Neyret ait commis des maladresses, c’est indéniable», concède son avocat Me Gabriel Versini, tout en contestant que «ces éléments soient sources d’infractions». Le procès est prévu jusqu’au 24 mai.
Le Quotidien/AFP