Après huit mois de négociations, le patronat et trois syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) ont entériné vendredi un accord pour renflouer les caisses des régimes de retraites complémentaires, dont la mesure phare est d’inciter les salariés à travailler plus longtemps, avec un système de bonus-malus.
Le négociateur du Medef, Claude Tendil, s’est félicité d’avoir réussi «à lever un tabou». «Inciter les gens à travailler plus longtemps, et donner un système optionnel de retraite à la carte (…), c’était mon objectif de départ. A l’arrivée cet objectif est atteint, c’est pourquoi je signe l’accord», a-t-il dit à l’issue de la dernière séance de discussion.
«C’est un accord équilibré, compliqué aussi parce qu’il demande des efforts aux salariés et aux retraités», a assuré Jean-Louis Malys (CFDT). Comme attendu, FO et la CGT, également présents vendredi, ont refusé de parapher le texte, qui ouvre la voie, selon eux, à un report de l’âge de départ à la retraite et pénalise fortement les femmes.
«On n’a pas fini d’entendre parler de ce texte», a prévenu Eric Aubin (CGT), le qualifiant de «régression», Philippe Pihet (FO) fustigeant un «accord déséquilibré». Le texte prévoit des économies de 6,1 milliards d’euros d’ici à 2020 qui, selon le Medef, limiteraient le déficit des régimes complémentaires à 2,3 milliards d’euros à cette date.
Il instaure un système de bonus-malus pour inciter les salariés à décaler leur départ, à partir de 2019. Une fois atteints l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation requise pour une pension à taux plein, ces salariés devront travailler un an de plus ou subir une décote de leur pension de 10% pendant deux ans, voire trois.
Ceux qui travailleront deux, trois ou quatre années supplémentaires bénéficieront au contraire d’un bonus pendant un an.
Les retraités exonérés de CSG, et certains travailleurs handicapés et aidants familiaux échapperont à ce dispositif, mais les personnes ayant commencé à travailler tôt et pouvant partir actuellement à 60 ans devront elles aussi travailler un an de plus pour éviter l’abattement.
«Mon regret est de ne pas avoir pu faire plier le Medef sur les carrières longues», a reconnu Pascale Coton (CFTC), heureuse néanmoins d’avoir «sauvé» les régimes.
Outre le système de décote, la majorité des mesures doivent peser sur les salariés ou retraités, comme une moindre revalorisation des pensions (-1 point par rapport à l’inflation) qui doit, à elle seule, permettre d’économiser 2,1 milliards d’ici à 2020.
«Marché de dupes»
Le patronat (Medef, CGPME, UPA) de son côté a fini par accepter une augmentation de ses cotisations, qu’il chiffre à 700 millions.
Mais il affirme avoir obtenu du gouvernement une baisse comparable des cotisations à la branche AT-MP de la sécurité sociale (accidents du travail-maladies professionnelles), ce que l’exécutif refuse pour l’heure de confirmer ou démentir.
«Nous demandons depuis des années une baisse de cotisations puisque la fréquence des accidents du travail diminue» a fait valoir Claude Tendil qui dit n’y voir qu’«une coïncidence de calendrier». Philippe Pihet (FO) y a vu un «marché de dupes». «On condamne ces manoeuvres et on s’y opposera très clairement», a assuré Jean-Louis Malys (CFDT).
Les syndicats ont obtenu que soit examinée la mise en place d’«une contribution» aux régimes Agirc-Arrco lorsqu’un licenciement de senior donne lieu à indemnités, lors de la prochaine négociation sur l’assurance chômage, prévue en 2016.
L’accord prévoit également une fusion des régimes Agirc et Arrco à l’horizon 2019, ainsi qu’une négociation sur la définition de la notion de cadre. Ses grandes lignes avaient été définies trois jours avant la conférence sociale, contexte qui selon des sources syndicales avait suscité des «pressions politiques» de Matignon pour qu’un accord soit conclu.
Avec la crise économique, l’arrivée des papy boomers à la retraite et le chômage de masse, l’Agirc et l’Arrco ont vu leurs déficits respectifs se creuser à 1,985 milliard et 1,153 milliard en 2014. Sans ressources supplémentaires, leurs réserves seraient épuisées d’ici à 2018 pour l’Agirc et à 2027 pour l’Arrco.
Sans accord, les pensions risquaient d’être amputées de 11% de manière définitive, a insisté la CFTC.
AFP/M.R.