« Il croit qu’il est Dieu ». « C’est le roi. Il ne voit rien » : sur les barrages à travers la France, c’est la personne même du président Emmanuel Macron qui nourrit la colère des gilets jaunes.
« Emmanuel Macron, c’est un petit gamin à qui on a toujours dit ‘tu es le meilleur’. On ne lui a jamais dit ‘c’est pas bien’. Le type croit encore qu’il est Dieu » : Claudio, 47 ans, bloque l’accès à un dépôt pétrolier près du Mans, avec une cinquantaine d’autres « gilets jaunes ». « Il mérite qu’on lui coupe la tête, de manière symbolique bien sûr », ajoute ce père de famille.
La hausse des taxes sur les carburants, l’augmentation des impôts des retraités, la baisse du pouvoir d’achat font partie de la longue liste des doléances des gilets jaunes qui manifestent depuis trois semaines, parfois violemment. Mais, au-delà, leur cible principale est le président lui-même. Ancien banquier de la très sélecte banque Rothschild, le plus jeune président français, élu en 2017 au terme d’une ascension météoritique, traîne une image de « président des riches », en particulier depuis qu’il a supprimé, dès son arrivée, un impôt qui frappait les plus grandes fortunes de France.
« Hautain et autiste »
Surnommé Jupiter, soit le Dieu des Dieux, mot qu’il avait lui-même employé, il a été régulièrement critiqué pour ses saillies jugées méprisantes. Il avait notamment enjoint à des manifestants licenciés d’aller se chercher un travail « au lieu de foutre le bordel », et promis de ne rien céder, « ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. » En visite mardi au Puy-en-Velay, une commune du centre de la France où des bâtiments officiels ont été incendiés, le président s’est fait huer par des gilets jaunes, tandis que les insultes fusaient parmi les « Macron démission ».
« Les mots qui reviennent à son sujet c’est hautain et autiste. Entre nous, on les appelle les ‘têtologues’, des gens qui sont déconnectés de la réalité, de la base, des Français », dit Yves Garrec, l’un des porte-paroles des gilets jaunes de Toulouse. « C’est vraiment Macron le problème. Les gens ont développé une haine, moi la première », rapporte Marine Charrette-Labadie, une chômeuse de 22 ans à Brive.
Au péage de la sortie de l’A50 à La Ciotat, Josette, une retraitée de 65 ans, se désole : « J’ai la haine contre cet homme et pourtant, j’ai voté pour lui au deuxième tour. » « C’est le roi. Il ne voit rien rien rien rien », enrage Philippe, 74 ans et chef de file d’un groupe de gilets jaunes qui filtre régulièrement la circulation dans la région du Mans.
Il cristallise « de la rage »
« Ce n’est pas nouveau que tout converge vers le président », dit un proche de l’Élysée. La différence, estime Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste en communication politique, c’est qu’ « Emmanuel Macron s’est placé, dès le début de son mandat, dans un jeu à deux : le président et les Français ». Or cette politique « sans les corps intermédiaires, quasiment seul, avec un entourage inexpérimenté » amène, selon lui, « un dialogue anxiogène ». Ce face-à-face, personnalisé à outrance, s’exprime notamment lorsque les gilets jaunes disent vouloir « aller chercher Macron comme il nous l’a demandé », en référence à une phrase du président au moment de l’affaire Benalla, du nom d’un ancien collaborateur du président poursuivi pour violences.
Emmanuel Macron « qui systématiquement prend les Français de haut – c’est le sentiment qu’il donne – met de l’huile sur le feu », analysait récemment Flore Santisteban, spécialiste des mouvements sociaux et enseignante à Sciences Po Paris. « Et donc cristallise une forme de haine » qui est même « plus que de la haine maintenant. C’est de la rage ».
« Il est en train de mettre le feu au pays. La surdité du gouvernement amène l’hystérisation du mouvement à un niveau de paroxysme », estime Marc Beaulaton, un retraité de 59 ans sur le blocage près du Mans.
LQ/AFP