L’Europe balkanique et centrale fermait ses frontières vendredi pour empêcher les passages de migrants et réfugiés qui ont fait bondir de 85% le nombre de demandeurs d’asile dans l’UE au deuxième trimestre 2015.
Après le verrouillage mardi de sa frontière avec la Serbie, la Hongrie a commencé vendredi la pose de barbelés le long de sa frontière avec la Croatie et envisage de faire la même chose en Roumanie pour stopper le flux des réfugiés qui fuient les guerres en Syrie et Irak, et convergent vers l’Europe du Nord, en train, en bus, ou à pied.
La Croatie voisine à fermé dans la nuit sept de ses huit passages frontaliers avec la Serbie, et la Slovénie a suspendu au moins pour la journée ses liaisons ferroviaires. Mais sans tarir le flux.
Depuis mercredi matin, Zagreb a compté 13.000 migrants entrés en Croatie par la Serbie. Le pays, qui se dit «saturé», a annoncé vendredi la fermeture «jusqu’à nouvel ordre» des postes-frontières de Tovarnik, Ilok, Ilok 2, Principovac, Principovac 2, Batina et Erdut.
«Chaos complet»
A Tovarnik, en Croatie, des milliers de personnes arrivées à pied ou en bus ont campé dans les champs, dans l’attente du départ d’un train. «La situation est assez dramatique. Les gens sont en colère. Si un train ne part pas, ils vont commencer à se battre» a déclaré à l’AFP le directeur des urgences de Human Rights Watch, Peter Bouckaert.
«C’est un chaos complet. Il y a des milliers de gens dans l’attente (…) C’est une minuscule petite ville avec une seule rue qui est complètement débordée», a-t-il ajouté, disant craindre que certains n’aboutissent sur des terrains minés depuis la guerre des Balkans.
Les pays ont la tentation de se renvoyer les flots de réfugiés. Face à une Croatie débordée qui a annoncé l’acheminement vers la Hongrie des migrants se trouvant sur son territoire, Budapest a lancé immédiatement la pose des premiers barbelés à sa frontière avec la Croatie.
Elle sera installée sur 41 kilomètres de terre ferme, a indiqué le Premier ministre Viktor Orban, le reste des 330 km de la frontière entre les deux pays étant délimitée par la rivière Drave, difficile à traverser.
La petite Slovénie, membre de l’Union européenne et de l’espace Schengen, qui ne compte que deux millions d’habitants, se préparait aussi à recevoir le flux des migrants détournés par les barricades tout juste érigées chez ses voisins.
Selon le Premier ministre Miro Cerar, seuls les migrants obéissant aux règles européennes seront autorisés à entrer. Un premier groupe de 150 migrants arrivés en train dans la nuit depuis Zagreb a été intercepté dans la ville-frontière slovène de Dobova.
Après avoir essayé en vain de les renvoyer en Croatie, les autorités slovènes les ont transportés dans un centre d’accueil, «dans l’attente d’un accord sur une procédure de retour en Croatie».
La fermeture des frontières dans cette partie de l’Europe maintient la pression sur l’UE, dont les dirigeants se retrouvent mercredi à Bruxelles, pour tenter de surmonter leurs divisions face à cette crise, au lendemain d’une rencontre des ministres de l’Intérieur.
Les Etats membres de l’UE ont reçu 213 000 demandes d’asile d’avril à juin 2015, soit une hausse de 85% par rapport au nombre de requêtes déposées au second trimestre 2014, selon des chiffres publiés vendredi par l’Agence officielle de statistiques Eurostat. Les deux principales nationalités demandeuses sont les Syriens et les Afghans.
Au total, depuis janvier, près de 399 000 demandes d’asile ont été soumises dans l’UE.
Berlin et Paris critiquent Budapest
Vendredi, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a brandi la menace d’un «vote à la majorité» pour imposer aux pays de l’Union récalcitrants, comme la Hongrie, une répartition des réfugiés. Berlin et Paris, ainsi que le premier ministre suédois ont tous deux critiqué l’attitude de Budapest qui se barricade terre derrière des barbelés.
«Repousser de facto des réfugiés aux frontières ne constitue pas du point de vue du gouvernement allemand une contribution à une solution durable du problème actuel des réfugiés», a déclaré le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Stefan Seibert.
Le Premier ministre français Manuel Valls a appelé la Hongrie à traiter «avec humanité les migrants à ses frontières, jugeant qu’on ne peut «accepter» ni «les propos, ni les attitudes» du gouvernement hongrois «ni les barbelés». En réponse à la promesse du pape d’accueillir deux familles de réfugiés au Vatican, une première famille syrienne de Damas a été installée il y a quelques jours dans le petit Etat, a annoncé l’aumonerie pontificale.
Vendredi, une fillette de 4 ans de nationalité syrienne est morte noyée au large des côtes de la Turquie dans le naufrage d’une embarcation qui tentait de rejoindre la Grèce face à l’île de Chios.
AFP/M.R.