Accueil | Actualités | Les éthylotests antidémarrage obligatoires pour les bus

Les éthylotests antidémarrage obligatoires pour les bus


Au 1er septembre, les éthylotests antidémarrage (EAD) seront obligatoires sur les bus et autocars. (Photo : AFP)

Souffler pour pouvoir démarrer: au 1er septembre, les éthylotests antidémarrage (EAD) seront obligatoires sur les bus et autocars mais la loi qui permet à des tribunaux de les imposer à des particuliers reste lettre morte, malgré leur efficacité unanimement reconnue.

Obligatoire depuis 2010 sur les bus et cars neufs transportant des enfants, les EAD devront désormais être présents sur tout véhicule de transport de personnes.

Le parc est équipé «à 80-90%», estime Stéphane Vialettes, directeur général d’Alcolock France, fabricant d’EAD. «On est de loin le premier pays au monde en nombre de véhicules de transport en commun équipés», confirme Charles Mercier-Guyon, médecin du Centre d’études et de recherches en médecine du trafic. «Par contre, pour les particuliers…»

Le principe est simple: le chauffeur souffle dans un éthylotest couplé au système de démarrage qui se bloque si l’alcoolémie est trop élevée.

Alors que la mortalité routière est repartie à la hausse (+3,5% en 2014, +3,8% depuis début 2015), les associations de sécurité routière et d’automobilistes aimeraient que ces EAD soient prescrits à des conducteurs pris pour alcool au volant, comme le prévoit la Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Loppsi 2) de 2011 et comme cela se fait déjà dans certains pays scandinaves, certains Etats des Etats-Unis ou au Canada.

«C’est une mesure qui aurait de vrais effets», estime Pierre Chasseray, de l’association 40 millions d’automobilistes. Surtout que «la part des accidents mortels dus à l’alcool stagne autour de 30% depuis dix ans», rappelle Jean-Yves Salaün, dont l’association Prévention Routière a participé à une expérimentation judiciaire des EAD en Haute-Savoie.

Entre 2004 et 2011, 400 personnes condamnées pour délit alcoolique (plus de 0,8g/l de sang) ont accepté d’installer un de ces dispositifs tout en suivant un accompagnement psychologique, voire médical pour les conducteurs dépendants, pour une période de 6 mois à 3 ans.

Au menu du CISR

«La récidive a chuté des trois quarts par rapport au groupe témoin qui ne suivait pas le programme», explique Charles Mercier-Guyon, qui encadrait le volet médico-psychologique. En moyenne, la récidive baisse de moitié dans les pays qui utilisent les EAD, «et quand il y a un suivi», insiste le médecin.

Bien qu’intégrées à la Loppsi, les «peines EAD» ne sont quasiment jamais prononcées en France.

Les causes sont multiples (suivi compliqué, homologation technique, protection des données…) mais la principale est le manque de centres installateurs, «environ 35 sur tout le territoire, contre 400 pour les autocars», selon Stéphane Vialettes.

«Les installateurs ne voient pas de marché, donc ils n’implantent pas de centres et le peu de juges qui seraient tentés de prononcer une peine EAD se disent: +Mais il n’y a pas d’installateurs dans le département+», explique Jean-Yves Salaün.

«Moins il y en a, plus c’est cher», ajoute-t-il, en référence au coût (1 260 euros pour six mois) parfois jugé discriminant. «Ça correspond au prix d’un whisky par jour», tempère Charles Mercier-Guyon. En Haute-Savoie, un système de location avait également été instauré.

«C’est une très bonne mesure qui évite de désocialiser les gens (avec un permis suspendu ou annulé) ou qu’ils conduisent sans permis. C’est complexe à mettre en oeuvre mais on va se donner les moyens de la développer», assure le délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe.

«Il faut une vraie volonté politique», exhorte Chantal Perrichon, de la Ligue contre la violence routière.

Les EAD devraient figurer à l’ordre du jour du Comité interministériel de sécurité routière convoqué à la rentrée. «C’est typiquement un sujet interministériel, ce qui manque en sécurité routière depuis quatre ans. Il faut que la Justice s’implique, avec l’Economie, la Santé…», estime M. Salaün.

Selon des sources proches du dossier, le gouvernement aimerait inciter les installateurs d’EAD pour bus à opérer sur les voitures, où les technologies sont différentes, afin d’avoir au moins un centre par département. Outre les tribunaux, le dispositif pourrait également être proposé par les commissions qui statuent sur les suspensions ou annulations de permis.

Le Quotidien/AFP