L’exécutif a décidé de temporiser en annonçant lundi le report de deux semaines de la présentation du projet de loi sur le Travail, qui a suscité une forte opposition parmi les syndicats et ouvert une brèche supplémentaire au sein de la gauche.
Le Premier ministre s’est chargé lui-même de cette annonce depuis le Salon de l’agriculture, dont il arpentait les allées lundi matin. «Nous allons nous donner quelques jours supplémentaires avant le passage en Conseil des ministres, une quinzaine de jours sans doute, ce qui ne change pas grand chose par rapport au calendrier parlementaire initial qui était prévu», a déclaré Manuel Valls.
Le texte sera présenté en Conseil des ministres le jeudi 24 mars, a précisé peu après une source gouvernementale. «Il faut lever un certain nombre d’incompréhensions, il faut expliquer, répondre à toute une série de fausses informations qui sont données sur ce texte», a jugé le Premier ministre qui, mardi dernier sur RTL, ne doutait pourtant «pas un seul instant» de l’adoption de ce texte en Conseil des ministres à la date prévue du 9 mars. Il a par ailleurs indiqué qu’il consulterait séparément l’ensemble des partenaires sociaux, syndicats et organisations patronales.
C’est un entretien de la ministre du Travail aux Echos le 17 février qui avait mis le feu au poudres. «Nous prendrons nos responsabilités», avait déclaré Mme El Khomri, interrogée sur un possible recours à l’article 49-3 (adoption d’un texte sans vote, sauf motion de censure) pour faire passer ce texte, comme pour la loi Macron en 2015.
Cette éventualité, avant même le dépôt du projet de loi au Parlement, avait suscité une forte opposition au sein du PS, déjà fortement divisé sur le vote de la réforme constitutionnelle voulue par François Hollande et comprenant la déchéance de nationalité pour les auteurs de crimes et délits terroristes.
«On assiste à l’implosion en direct de la majorité»
Dans une tribune au vitriol publiée mercredi dans Le Monde, Martine Aubry avait dénoncé un «affaiblissement de la France» auquel mènerait la politique de François Hollande et Manuel Valls. Le Premier ministre était au passage égratigné pour son «indécent discours de Munich», où il avait critiqué la politique d’Angela Merkel envers les réfugiés.
Christian Paul, chef de file des députés PS «frondeurs», a brandi lundi la menace de la motion de censure en cas de 49-3, jugeant que «rien n’était exclu» et qu’il n’y avait «pas de tabou» à la voter contre Manuel Valls dont il n’est pas «demandeur» de la «présence» à Matignon. Le député de la Nièvre souhaite le retrait pur et simple du projet de loi. Les réactions étaient encore plus virulentes à la gauche du PS. Jean-Luc Mélenchon a appelé à une «marée citoyenne» contre ce projet, qui «détruira purement et simplement la vie quotidienne d’innombrables familles».
A droite, «on assiste à l’implosion en direct de la majorité», a ironisé lundi le député Les Républicains Guillaume Larrivé. Sur le front syndical, ce report avait été instamment demandé dimanche par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. «Il faut repartir sur une concertation», avait prôné M. Berger, peu satisfait d’un texte qui laisse selon lui trop de place à la «flexibilité» et aux décisions «unilatérales de l’employeur» au détriment des salariés. «Les points avancés par Berger sont à prendre en compte», jugeait lundi matin une source gouvernementale.
Fait inédit depuis 2013, une intersyndicale d’une dizaine d’organisations –CFDT, CFE-CGC, CGT, FSU, Solidaires-Sud, Unsa, Unef (étudiants), UNL et Fidl (syndicats lycéens) — s’était réunie mardi pour dénoncer «un projet élaboré sans réelle concertation». Une pétition en ligne contre ce projet de loi, lancée par la militante féministe Caroline de Haas, avait recueilli lundi matin plus de 775.000 signatures.
Dans sa version initiale transmise au Conseil d’Etat, le projet de loi prévoit, entre autres, des référendums d’entreprise pour valider des accords minoritaires, une clarification des critères de licenciement économique, un plafonnement des indemnités prud’homales et la primauté des accords d’entreprise en matière de temps de travail. Il contient aussi la création du compte personnel d’activité (CPA), qui vise à rattacher des droits sociaux (formation, pénibilité, fiche de paie) à la personne et non plus au statut, une disposition jugée positive par les syndicats de salariés.
AFP