Le procès en France de Jawad Bendaoud, jugé pour avoir logé des jihadistes auteurs des attentats de Paris en novembre 2015, entre dans sa dernière ligne droite. Après avoir pris des allures de spectacle, il s’est ouvert à la douleur des victimes.
Les plaidoiries de la partie civile, qui ont démarré jeudi, devraient se terminer lundi. Le procureur doit rendre ses réquisitions mardi avant de laisser la parole aux avocats des prévenus. Le tribunal devrait annoncer son jugement dans les jours suivants. Hasard du calendrier : lundi, c’est à Bruxelles que le seul survivant des commandos jihadistes, Salah Abdeslam, sera jugé. Au côté d’un complice, il comparaît pendant quatre jours pour sa participation présumée à une fusillade avec des policiers le 15 mars 2016 à Bruxelles, trois jours avant son arrestation.
Depuis son ouverture le 24 janvier, le procès du « logeur de Daech », comme on le surnomme, connaît un succès retentissant sur les réseaux sociaux, chaque petite phrase de Jawad Bendaoud se propageant en quelques minutes. Tous les jours, des étudiants en droit et des curieux se pressent pour rentrer sous la tente installée dans la salle des pas perdus du palais de justice de Paris où le procès est retransmis sur grand écran.
Aussi paradoxal que cela puisse être pour le premier procès en lien avec les attentats du 13 novembre 2015, il y a eu des rires dans la 16e chambre du tribunal correctionnel, dans les deux salles de retransmission et au-delà. Des médias ont même fait « un best of » des phrases insolites de Jawad Bendaoud. Sa rencontre avec un rat dans la prison de Fresnes (banlieue parisienne), ses échanges avec la présidente du tribunal (« Madame la juge, vous êtes magistrat, je vais pas vous prendre pour un lapin de six semaines »), ou encore sa description de sa soirée du 17 novembre : quand il mangeait un sandwich « escalope-boursin » alors que les jihadistes étaient dans son squat.
« Moi, ça ne me fait pas rire »
Jawad Bendaoud et son coprévenu Mohamed Soumah sont jugés pour « recel de malfaiteurs terroristes » et encourent six ans de prison. Le premier a logé dans son squat deux jihadistes auteurs des attentats, dont le cerveau présumé des attentats Abdelhamid Abaaoud. Mais il nie avoir su qu’il s’agissait de terroristes. « Je n’étais au courant de rien », a-t-il répété depuis le début du procès. Un troisième prévenu, Youssef Aït Boulahcen, est le cousin d’Abdelhamid Abaaoud et le frère d’Hasna Aït Boulahcen qui était chargée de trouver une planque pour les deux jihadistes. Jugé pour « non dénonciation de crime terroriste », il encourt cinq ans de prison.
« Depuis quelques jours, nous avons assisté à un show. Je ne m’en cache pas : moi aussi, j’ai souri, j’ai ri. Je m’en veux un peu », a reconnu jeudi, au début de sa plaidoirie, Héléna Christidis, avocate représentante de victimes. Elle était loin d’être la seule à rire. Sans surprise, cette ambiance a blessé des parties civiles. « J’étais outré lors des débats par les rires. Moi, ça ne me fait pas rire », a dit en lisant un texte poignant le père d’une jeune femme tuée dans la salle de spectacles parisienne du Bataclan. Car il y a aussi eu beaucoup de larmes dans ce procès : c’était la première fois que des victimes partageaient leur douleur à la barre. Plus de 670 personnes se sont constituées partie civile, aussi bien des victimes des attaques que des locataires délogés par l’assaut contre la planque des jihadistes le 18 novembre 2015 à Saint-Denis, au nord de Paris. Elles sont défendues par 110 avocats.
Depuis mercredi, les avocats des victimes ont également fait basculer les débats en s’attaquant aux « mensonges » des prévenus. Jawad Bendaoud savait forcément que des terroristes étaient en fuite, contrairement à ce qu’il dit, ont-ils plaidé. Il aurait en outre parlé au téléphone pendant plus de 3 minutes avec Hasna Aït Boulahcen alors qu’elle se trouvait dans le buisson où se cachaient Abdelhamid Abaaoud et l’autre jihadiste, Chakib Akrouh.
Le Quotidien/AFP