Gino Luciani sillonne sans relâche les stades du Grand-Duché afin de vanter les bienfaits d’un diffuseur d’huile essentielle… particulier.
Gino Luciani : « De temps en temps, je participe également à des conférences. » (Photo : Julien Garroy)
Du prophète, Gino Luciani a la gouaille, mais pas le style. Casquette de la Fiorentina vissée sur le crâne et écharpe de la Viola autour du cou, le septuagénaire arpente inexorablement les routes du Grand-Duché. Son message ne contient pas de prière ni de référence à un paradis extraterrestre. Tout juste lâche-t-il cette formule : « Qu’est-ce que la vie ? Si ce n’est le temps qu’on met à mourir… »
La mort, il l’a vue de très près le 10 juin 1966. Peintre en bâtiment sur un chantier à Marseille, il se rend à l’hôpital avec un collègue pour donner son sang. Mais sur le chemin du retour, l’employé chargé de les reconduire à leur foyer perd le contrôle du véhicule. Celui-ci s’immobilisera dans le ravin de la Bédoule, 60 mètres plus bas. Si le conducteur, « plein comme un boudin », s’en tirera bien sonné et son collègue quasi indemne, Gino, lui, est salement amoché. « Le levier de vitesse m’est passé sous les côtes et a déplacé une partie de mes organes. J’avais le cœur sous le mamelon droit », raconte-t-il avant d’énumérer la liste de ses blessures : « Perforation des insertions du diaphragme, enfoncement des côtes, éclatement de la base d’un poumon et de la rate, fracture du bras et de la mâchoire. »
Opéré en urgence à l’hôpital Salvator, il est transféré dans la foulée à Nancy, au centre hospitalier Maringer. Il y passera les 30 mois suivants. Une convalescence, à l’en croire, aux allures d’incarcération. « C’était un peu le quartier des condamnés à mort. » Si bien qu’un jour, « après une infection médicamenteuse », il affirme s’être fait la belle. À la Belmondo. « En face de ma chambre, il y avait un arbre. J’ai ouvert la fenêtre et j’ai sauté. Il pleuvait comme vache qui pisse, mais j’ai traversé la cour sans avoir les pieds mouillés. Je volais de rage. Bon, je ne suis pas allé très loin, les surveillants m’ont quand même vite repris ! » Petite précision, la chambre, dit-il, était située au 3e étage…
Mardi, fin de matinée. Gino Luciani reçoit au Naturata d’Esch-Belval. À le voir gesticuler dans cet espace réservé à l’alimentation biologique, on comprend vite que c’est un habitué des lieux. « Ce monsieur, oui, il vient très souvent », confirme une jeune employée qui l’a laissé prendre ses quartiers dans un coin faisant office de salon. Sur la table en bois, un livre sur l’acupuncture chinoise jouxte une drôle de machine. Elle ventilerait un souffle divin fleurant bon le pin. « Du Pinus pinaster », précise d’emblée son propriétaire, tandis que ses mains s’agitent frénétiquement. L’excitation sans doute de « partager (son) savoir ». À moins que ce ne soit le fruit de ses origines italiennes…
Retrouvez l’intégralité de ce portrait de notre journaliste Charles Michel dans le Quotidien papier de ce jeudi.