Dans trois jours, la Jeunesse de Dan Theis accueille le Fola pour le derby eschois. Un moment à la fois de profonde angoisse et d’immense joie pour le coach de la Vieille Dame qui va quitter le club en fin de saison le cœur brisé, puisque ce sont peut-être ses dernières heures sous ces couleurs qu’il aime tant.
Il y a ceux qui le trouvent passionné, exalté et exaltant. Et ceux qui le trouvent borné, frustré et pas avenant. Mais il y a aussi ceux qui savent : en fait, Dan Theis est tout ça à la fois ! Il n’y peut rien, il a été élevé comme ça à l’école de la Grenz et il le revendique.
Le coach de la Jeunesse (pour encore six rencontres) est encore trop jeune, à 47 ans, pour être qualifié de vieux con, mais il a déjà tout ce qu’il faut pour obtenir, haut la main, ce titre honorifique que lui, trouverait glorieux : « Moi, j’avais Gerd Muller pour idole et je copiais ses gestes. Aujourd’hui, les jeunes copient juste les chaussures et les coupes de cheveux. Quand on sait ça, pour être coach de nos jours, il faut être psychologue. Et moi, ça ne me plaît pas. »
Il n’y peut rien, c’est plus fort que lui, Theis est un intégriste. Son culte, c’est le football, son église, c’est la Jeunesse Esch. Et merde à ceux qui ne comprennent pas que l’amour du jeu est plus fort que sa détestation de notre époque où on n’entre plus dans le football comme on entre au sacerdoce.
Récemment, au téléphone avec son ancien mentor, Alex Pecqueur, coach prolifique, mythique et exigeant des dernières années d’or du club (80-90), Theis se plaignait : « Alex, tu ne peux même pas t’imaginer comment ils sont les jeunes de maintenant. Ils n’ont même plus le plaisir de venir s’entraîner. » Pecqueur, qui est fait du même bois, jure qu’à sa place, il dirait à ces freluquets : « Soit vous marchez comme je vous dis, soit vous ne méritez pas ce que je vais vous offrir et je m’en vais. »
Theis aime trop le foot pour s’en aller. Alors il reste, observe, s’écœure parfois et se dit qu’il brûlerait bien quelques hérétiques… Notamment les jeunes footballeurs qui, aujourd’hui, manquent de respect à son sport. Il en vient même à se dire que tous ne méritent pas forcément d’entrer à la Frontière pour y disputer un match de DN : « À mon époque, ce stade était sacré. Et cette pelouse, elle était sainte. Moi, quand on m’a dit que j’allais y jouer en lever de rideau, je n’ai pas dormi de la semaine. La fouler, c’était magique… » Sous-entendu, ce n’est plus le cas et c’est bien triste.
Difficile, avec ce genre de discours qu’on pourrait sans peine qualifier d’aigri, d’être aimé de tout le monde. Mais il s’en fout, Theis, il sait qu’il a raison parce qu’il est chez lui : c’est d’abord la loi du sang qui s’applique sur ce terrain ! Et ensuite celle de ceux qui lui ont consacré leur vie.
Le portrait de Dan Theis par Julien Mollereau, à lire en intégralité dans Le Quotidien papier de ce jeudi.