Le conflit des transporteurs du nickel, qui vient de trouver une issue après plus de trois semaines de tensions, a une nouvelle fois mis en lumière le rôle politique et économique majeur que joue cette richesse minière en Nouvelle-Calédonie (Pacifique).
Dans la nuit de vendredi à samedi, Contrakmines, syndicat des rouleurs qui descendent le minerai du massif au bord de mer, et le gouvernement calédonien ont signé un protocole d’accord, mettant un terme à 24 jours de mobilisation.
Les barrages routiers, dans Nouméa et en brousse, avec des tas de terre et d’énormes camions, ont à plusieurs reprises fait craindre un dérapage du conflit dans ce territoire où la paix demeure fragile. Le 23 août, un évènement tragique a marqué les esprits lorsqu’un jeune automobiliste en état d’ébriété s’est tué en s’encastrant sous un camion, posté en travers de la chaussée.
L’ouverture d’un canal d’exportation de minerai à très faible teneur sur la Chine pour compenser la baisse des exportations vers l’Australie constitue le point crucial du litige. Plusieurs sociétés minières, dont la SLN, filiale du français Eramet, soutenaient les rouleurs.
Sans y apporter de réponse concrète, le protocole d’accord stipule que les demandes d’exportations chinoises des mineurs seront soumises le 7 septembre au Groupe technique des présidents et signataires de l’accord de Nouméa (GTPS), chargé de définir la stratégie nickel, puis au gouvernement local le 11 septembre.
Lors d’une précédente réunion du GTPS début août, les représentants du parti Les Républicains s’étaient dits favorables à l’ouverture temporaire d’un canal d’exportation vers la Chine, mais pas les autres formations politiques.
« Le travail ne fait que commencer mais nous avons trouvé les formules nécessaires. Il fallait que les rouleurs soient considérés comme des acteurs qu’on écoute, c’est chose faite », a déclaré Max Fouchet, vice-président de ContraKmine.
En toile de fond de ce conflit s’opposent deux visions divergentes du développement économique et politique de la Nouvelle-Calédonie, où se tiendra au plus tard en 2018, un référendum d’autodétermination. Ce vote est inscrit dans l’accord de Nouméa (1998), qui a instauré un processus de décolonisation par étapes.
Dans ce contexte, le nickel, second poumon de l’économie locale avec les transferts publics, constitue un enjeu majeur. Depuis 2010, les élus locaux tentent de définir une stratégie minière et industrielle commune mais, faute de consensus, le dossier patauge.
« Le nickel a été, est et sera un élément déterminant de l’évolution politique de la Nouvelle-Calédonie », martèle le sénateur Pierre Frogier (LR). Sa formation défend une gestion libérale de la richesse minière – la Nouvelle-Calédonie abrite 25% des ressources mondiales en nickel – « dans la logique de notre histoire ». « Il faut autoriser les mineurs indépendants à exporter leur minerai à partir du moment où ils ont trouvé un client », estime l’élu, proche de Nicolas Sarkozy.
A l’inverse, la province nord indépendantiste a depuis les années 1990 appliqué une stratégie où la maitrise de la ressource est entre les mains de la collectivité. La société minière qui lui appartient, la SMSP, possède 51% du capital de l’usine métallurgique Koniambo, construite avec le géant suisse Glencore. Parallèlement, la SMSP s’est aussi associée avec l’aciériste coréen Posco, à qui elle a cédé 49% de son domaine minier, contre 51% dans une usine métallurgique « off-shore » en Corée du Sud.
En Chine, la SMSP est actuellement en discussion avec le groupe Jinchuan pour construire une autre usine off-shore, toujours sur le modèle 51/49. L’expansion de la société minière des indépendantistes fait craindre aux sociétés minières privées et à une partie de la droite l’avènement « d’une économie administrée ».
Député UDI, Philippe Gomès soutient la stratégie de la province nord et défend, comme les indépendantistes, l’augmentation de 34% à 51% de la participation des provinces calédoniennes dans le capital de la Société Le Nickel (Eramet).
Pour l’élu, partisan du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, ce rôle prépondérant de la puissance publique dans le nickel se justifie par son caractère non-renouvelable et stratégique. « Un pays doit maitriser ses ressources naturelles, sinon il est le jouet des multinationales ou d’intérêts privés », affirme-t-il.
AFP / S.A.