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« Le M-Block, ce n’est que 30 mecs, mais 30 mecs qui chantent »


Raymond François (à d.), entouré de ses acolytes anonymes.

Raymond François, blogueur à huelse.lu et ancien membre du M-Block, évoque le rapport entre le public luxembourgeois et la sélection nationale de football. Avec autant de pertinence que d’humour.

Le Quotidien : Que vous inspire ce boycott du M-Block à l’occasion de la réception de l’Albanie?

Raymond François  : C’est une bonne chose. Je vois ça comme une manière de remettre les pendules à l’heure. Il n’y a rien de dramatique, les relations entre les supporters et les joueurs ou la FLF (ndlr : fédération luxembourgeoise de football) sont bonnes. Disons que les joueurs ont une légère tendance à snober le public. Ça ne coûte rien d’aller voir le M-Block. Les mecs font des tifos, ont des drapeaux, se mettent torse nue, alors qu’il fait 8 °C. Moi, je suis dans la tribune de face avec mes potes, je me fous que les joueurs viennent me saluer. Mais les fans les plus actifs, tu peux aller les voir.

Dans un de ses communiqués, le M-Block précise que seuls Laurent Jans et Chris Philipps sont venus le voir vendredi après la défaite contre la Bosnie (0-3). Ce sont bien eux qui ont la plus grande cote d’amour auprès du public?

Chris et Laurent sont les plus sympathiques, il n’y a pas photo. Ils ont gardé les pieds sur terre malgré la carrière qu’ils font à l’étranger. Dan Da Mota aussi est très sympa. Vendredi, il a donné son maillot au fils de mon cousin. Payal aussi est super sympa. Non, vraiment, il ne faut pas dramatiser. Les relations sont très correctes. Je ne parlerais pas de ceux qui sont moins chaleureux.

Je comprends que quand on vient de perdre, parfois, la première chose dont on a envie, c’est de rentrer prendre sa douche. Le message, c’est : « N’oubliez pas qu’il y a un public qui est là et que certains font des milliers de kilomètres et dépensent des sous uniquement pour vous. »

La « grève » du M-Block peut aussi faire sourire. Au niveau sonore, cela peut-il vraiment faire une grande différence?

Je peux m’imaginer que ça va faire rire. Mais contre l’Albanie, il y aura moins de monde que face à la Bosnie (NDLR  : l’interview a été réalisée hier après-midi), alors on les aurait plus entendus. Le M-Block, ce n’est peut-être que 30  mecs, mais c’est 30 mecs qui chantent du début à la fin. On a quand même vu une différence avec les 500  supporters bosniens, surtout quand ils ont allumé leur fumigène en même temps. Au M-Block, si un mec fait ça, tu sais immédiatement qui sait!

Quand les gars de la Bosnie ont fait ça, en tant qu’amoureux du « supporterisme », j’ai trouvé ça beau. Ils étaient quoi, 25 ou 30 à allumer leur fumigène! C’était cool. Mais je me suis aussi posé des questions sur la sécurité. Si des mecs réussissent à faire rentrer 25  fumigènes dans un stade, ils peuvent faire rentrer autre chose, non? Quand on a joué le Portugal (NDLR : le 17  novembre 2015, quatre jours après les attentats de Paris), la sécurité n’aurait pas laissé passer ça.

En 2012, vous avez créé le blog huelse.lu. Pourquoi?

Pour être clair, il n’y a pas de scission entre huelse.lu et le M-Block. Quand j’étais actif dans le groupe, on avait un forum sur internet. On devait être trois ou quatre à écrire dessus et cinq ou six à lire. Puis en Irlande du Nord, on a eu l’idée d’écrire sur un nouveau support. Aujourd’hui, on a 2  300  like sur Facebook et chacun de nos articles est lu plus de 2  000  fois.

On se trompe si on dit qu’il y a une démarche quasi journalistique dans vos articles?

On n’a pas la prétention d’être des journalistes. Ce qu’on fait sur huelse.lu, c’est plutôt du journalisme de bar. Par exemple, contre la Bosnie, les deux premiers buts qu’on prend, ce sont deux coups francs joués rapidement. Notre explication tactique sur ces deux buts, elle est claire  : il aurait fallu qu’un Luxembourgeois se place devant le ballon pour empêcher le coup franc de se jouer. Ça, c’est un réflexe qu’on doit avoir à n’importe quel niveau.

Parlez-nous de Ludovic Dubois…

C’est un personnage fictif qu’on a créé dans une rubrique à ne pas prendre au sérieux. Ludovic Dubois, c’est directement une référence à Luc Holtz. Parfois, on fait des matches contre des supporters d’autres pays, comme l’Ukraine ou l’Irlande du Nord. Au début, on a fait une fausse interview de Ludovic. On a créé tout un univers. Aujourd’hui, je crois que c’est un ancien alcoolique qui habite en Thaïlande. Tout est de la fiction, il n’y a que le nom qui est inspiré de Luc Holtz!

Pourquoi avoir quitté le M-Block?

Dès que j’ai eu un boulot, j’ai eu un peu plus d’argent et j’ai pu me mettre en tribune de face. On voit mieux le match. Quand tu es dans la tribune de face, tu es mieux placé pour voir Mutsch mettre un petit pont à Ribéry!

Pourquoi le M-Block ne se met-il pas dans la tribune de face?

Aucune idée. Il y a quelques années, la FLF avait pourtant essayé de les déplacer, de manière à ce qu’ils soient en face des caméras. Ils auraient chanté en face de la tribune couverte, ça leur aurait renvoyé l’écho et on aurait senti une vraie différence au niveau sonore.

Comment expliquez-vous que malgré les progrès des Roud Léiwen en termes de jeu et de résultats, les gens ne se déplacent pas plus que cela au stade Josy-Barthel?

C’est très difficile à expliquer. Est-ce un problème d’organisation au niveau du marketing du M-Block? Mouais. C’est difficile de trouver des fans de foot au Luxembourg. Regardez, il n’y a pas si longtemps, à Grevenmacher, il y avait une centaine de mecs. Aujourd’hui, les résultats du CSG sont mauvais et la tribune s’est vidée. Si on fait une campagne comme l’a fait l’Islande, je peux vous dire que le stade sera plein. Mais pourquoi attendre les résultats? Contre la Bosnie, avant que Dzeko et le tueur Pjanic ne rentrent, pendant une heure on a fait jeu égal, ce n’est pas rien!

Il y a un problème de culture sportive?

Qui parle de Gilles Muller quand il ne joue pas contre Nadal ou Federer? Qui parle de cyclisme quand les Schleck ne brillent pas sur le Tour de France? C’est cliché de dire ça, mais le Luxembourgeois est supporter de la victoire. Depuis que je suis gosse, on me dit que la réussite, c’est les études, c’est la banque, c’est d’être bien payé…. Ici, on te fait croire que la défaite n’existe pas. Puis tu vas voir la sélection et tu vois des défaites.

Peut-on imaginer un changement radical lorsque le nouveau stade verra le jour?

Selon mes calculs, le stade arrivera au bon moment, car l’équipe sera alors au top. En attendant, on a le Josy-Barthel qui est pourri et représente mal le Luxembourg. Ça aussi, ça n’aide pas les gens à venir au stade. Ici, quand il pleut, tu es obligé d’être mouillé.

Lors des prochains éliminatoires pour le Mondial-2018, le Luxembourg va recevoir, entre autres, la France, les Pays-Bas et la Suède. Cela vous gêne encore de savoir que quand le stade est plein, il est rempli de supporters adverses?

Ça, on s’y habitue. Ça ne me dérange pas d’être dans le stade et d’être assis à côté d’un Néerlandais, au contraire. Mais si c’est un Luxembourgeois qui vient avec son maillot de Robben, là, ça me pose problème.

Matthieu Pécot

Un commentaire

  1. Lorsque la sélection luxembourgeoise se trouvait dans une période très sombre 2000-2010, je me rappelle que le Mblock comptait pas mal de supporters (une centaine peut-être?). Maintenant, à chaque fois que je vais au stade, ils ne sont plus qu’une poignée. Dommage! Ce qui m’énerve le plus, ce sont les luxembourgeois qui supportent la Manschafft, mais qui n’ont jamais mis pied dans un stade au Luxembourg pour supporter les Lions rouges. Je pense aussi que le nouveau stade national va tomber dans le bon moment!