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[Rio 2016] Le Brésil sur le toit de l’Olympe


Weverton et Neymar, les deux héros du Brésil qui décroche son premier sacre olympique en foot (Photo : AFP)

Au terme d’un match très intense et d’une série de tirs aux buts étouffante, Neymar, en pleurs, a offert au Brésil la toute première victoire olympique de sa glorieuse histoire footballistique (1-1; 5 tab à 4)

Il ne pouvait pas rater. L’instant d’avant, l’Allemand Petersen venait de voir son tir au but stoppé par un Weverton très adroit sur la séance et qui s’était bien couché sur la frappe allemande. Neymar, était désigné dernier tireur. Superstar parmi les superstars, c’était à lui de conclure. Il ne pouvait pas rater. Et il n’a pas raté. D’une frappe magistrale,  il fait chavirer un Maracana passé par toutes les émotions, en ce samedi soir.

Vous avez dit intensité ? Il fallait être dans les travées de la mythique enceinte pour sentir la ferveur de tout un peuple, venu encourager à tout rompre son équipe : la Seleçao, qui disputait hier samedi, la finale du tournoi olympique de foot.

Quelques minutes plus tôt, Marquinhos avait le masque. Toute l’équipe brésilienne s’est rassemblée. Prête pour les trente dernières minutes de son tournoi olympique. Pendant une heure et demi, Brésiliens et Allemands ne s’étaient pas faits de cadeaux dans un stade plein à craquer. Littéralement en transe quand Neymar, déjà lui,  ouvrait le score d’un magistral coup franc en pleine lucarne (27e). Mais les Allemands, qui avaient touché deux fois la barre en première mi-temps par Brandt (11e) et Bender (35e) mettront un sérieux coup de froid sur le public, suite à un joli mouvement développé côté droit. Et conclu par une passe lumineuse de Toljan qui trouve son capitaine Maximilian Meyer, bien servi dans la surface, qui trompe Weverton, d’une belle frappe ras de terre (59e) pour son quatrième but, soit autant que Neymar. Un but, le premier encaissé par le Brésil dans cette compétition, qui envoie les deux équipes en prolongations malgré encore quelques frayeurs de part et d’autre.

Les  héros semblent fatigués et paraissent accuser le coup dans cet extra-time. Mais dès le début de la deuxième mi-temps de la prolongation, Neymar adresse une ouverture parfaite pour Felipe Anderson, qui bute sur un excellent Horn. Qui sauve la Mannschaft.

Le Brésil, ne veut pas aller jusqu’à la loterie des tirs au but. Les joueurs de Micale poussent, à l’image de cette nouvelle frappe de Neymar. Qui enlève trop son ballon. Les Allemands font le dos rond. En environnement on ne peut plus hostiles, les joueurs de Horst Hrubesch, qui a annoncé qu’il arrêtait à l’issue de ces Jeux, ne s’occupent pas des sifflets et des huées. L’immense bronca qui les accompagne alors qu’ils reprennent le contrôle du ballon en dit long sur l’inimitié entre les deux équipes. Pas impossible, forcément, qu’un certain 7-1 soit passé par là. Il y a deux ans, c’est sur ce score incroyable et humiliant que s’était arrêtée l’aventure pour la Seleçao dans « sa » Coupe du monde, face aux mêmes Allemands, en demi-finale.

« Impossible de venger, impossible d’oublier »

Mais comme l’a titré O Globo, le principal quotidien brésilien, dans son édition de samedi : «Impossible de venger. Impossible d’oublier. » Evidemment, une victoire face à l’Allemagne en finale n’effacerait pas l’humiliation subie deux ans plus tôt du côté de Belo Horizonte. Mais elle redonnerait un peu de baume au cœur à un peuple fâché avec son football. Et dont la sélection nationale a été piteusement éliminée des phases de poule de la Copa America, il y a un peu plus de deux mois.

Une compétition à laquelle la star Neymar avait décidé de renoncer. Pour privilégier les JO. Lui qui est le seul rescapé, dans les rangs brésiliens, de l’équipe médaillée d’argent de Londres, après une défaite (2-1) contre le Mexique. Neymar, seul Brésilien présent également dans le groupe auriverde lors de la dernière Coupe du monde. Mais qui n’avait pas participé à la débâcle, obligé de quitter la compétition pour une fracture à une vertèbre, subie lors du quart de finale victorieux contre la Colombie (2-1).

Côté allemand, le topo est presque le même : seul Matthias Ginter, jeune joueur du Borussia Dortmund, figurait dans le groupe germanique au Brésil il y a deux ans. Mais il n’était pas entré en jeu. Et en cas de succès en ce samedi soir, sous le ciel gris et lourd d’un Maracana complètement jaune, il deviendrait le premier joueur de l’histoire à réaliser le doublé Mondial puis JO.

Avant le début des hostilités, on essayait, dans les deux camps, de remettre l’église au milieu du village : «Le 7-1 était incroyable. Ca n’arrive qu’une fois dans une carrière. Dans une vie. Et samedi, nous n’allons pas gagner 7-1 », indiquait justement Matthias Ginter. Chez les supporters brésiliens, on fourbissait aussi ses armes : « L’Allemagne peut attendre. Son heure va arriver. »

La star Neymar, se montrait reconnaissante : «J’ai une seconde chance. A la maison. Devant mes amis. Ma famille. » Lui, capitaine décrié d’une Seleçao atone et amorphe en début de compétition (matches nuls face à l’Afrique du Sud et l’Irak ) et dont le nom de Marta, la star féminine brésilienne était scandé chaque fois que Neymar touchait un ballon.

Mais depuis, le joueur du FC Barcelone s’est remis à l’endroit. Et tout a changé : « Sans Neymar, on ne serait pas grand-chose », explique un chauffeur de taxi croisé dans la semaine. Il est vrai qu’à partir du match du Danemark (victoire 4-0), la superstar brésilienne a changé de dimension. Et ce sont les Colombiens en quart (2-0)  et surtout les Honduriens, écrabouillés 6-0 par un Neymar en feu qui leur a mis le but le plus rapide de l’histoire des JO (14 secondes) et auteur d’un véritable récital (2 buts et 1 passe), qui en ont fait les frais.

Au moment des hymnes, le ton est donné. Alors que Deutschland über alles retentit, l’hymne germanique est quasiment inaudible tellement il est couvert par les chants des Brésiliens. Et au moment de l’hymne de tout un peuple, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui chantent à pleins poumons. Parfois les larmes aux yeux.

Deux heures plus tard, tous seront en larmes pour écouter à nouveau leur hymne. Portés par une ferveur indicible. Et littéralement abasourdis par le talent, l’aura et la vista d’un Neymar qui prend une petite revanche. Et venge un Brésil qui restera malgré tout à jamais marqué par la blessure de Belo Horizonte. Mais hier, à la fin, ce n’était pas l’Allemagne qui gagne… mais le Brésil… et les Brésiliens.

Au Maracana, Romain Haas