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Laurent Fabius : « Oui, j’arrête la politique »


Laurent Fabius ne se dit pas "nostalgique". (photo AFP)

C’était son dernier conseil des ministres… Nommé à la présidence du Conseil constitutionnel avec effet le 4 mars, Laurent Fabius a reçu quelques journalistes ce mercredi pour balayer d’un regard ses quatre années de chef de la diplomatie française. Le ministre qui a parcouru 38 000 kilomètres par mois s’inquiète particulièrement pour l’Europe.

« Je vais continuer à servir la République. J’aurais occupé toutes les fonctions législatives, exécutives, économiques, diplomatiques au service de l’Etat mais quand on est nommé au Conseil constitutionnel, on arrête la politique »… Le ton de Laurent Fabius est comme toujours posé, la voix claire, la réplique vive.

« Ni nostalgie, ni biographie express » nous dit le chef de la diplomatie française avant de prendre la direction de son dernier conseil des ministres ce mercredi matin. Pas facile de quitter ces prestigieux salons finement décorés du quai d’Orsay avec leurs immenses lustres de verre, leurs plafonds marquetés au-dessus de hautes baies chamarrées de tentures pourpre dominant la Seine.

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Laurent Fabius a installé des modèles réduits blancs et un brin kitsch d’une fusée Ariane et d’un Airbus A380 au rez-de-chaussée. Curieusement, ils ne détonent pas dans la dorure ambiante.

38 000 kilomètres par mois

«Par définition, Je n’ai pas été souvent ici. Ce ministère s’exerce beaucoup dans les avions. J’ai parcouru 38 000 kilomètres par mois paraît-il, dix tours du monde par an. C’est une mauvaise empreinte carbone mais nous l’avons compensée lors de la Cop 21. Je suis particulièrement fier d’avoir étendu les compétences de ce ministère au Commerce extérieur, au Tourisme, à la Francophonie. La diplomatie à notre époque doit appuyer sur toutes les touches du clavier : stratégie, économie, culture, tourisme » explique-t-il avant d’ajouter : « J’espère que cette organisation qui contribue au rayonnement de la France restera, mais il appartient au président de la République d’en décider ».

Il n’en dira pas plus sur sa succession ni sa nouvelle fonction. Sinon qu’il gardera jusqu’en novembre un bureau au quai d’Orsay comme « président bénévole de la Conférence sur le climat (COP) » avant de transmettre le flambeau à son successeur marocain.

« Brutalités, complicités, ambiguïtés sur la Syrie »

L’accord sur le climat arraché en décembre 2015 au Bourget lors de la Cop 21 lui aura donné une sortie en majesté du ministère des Affaires Etrangères : « C’est vingt ans de travaux qui ont abouti à une prise de conscience internationale. La lutte contre le réchauffement de la planète, c’était un des quatre objectifs fixés quand j’ai été nommé à ce ministère, le seul d’ailleurs que j’aurais accepté ».

Les trois autres ? « la sécurité et la paix dans le monde, la construction européenne, le rayonnement de la France. C’est difficile de tirer un bilan pour la diplomatie car comme le soulignait Jaurès, on veut aller à l’idéal, mais on doit comprendre le réel. Ce n’est pas l’Education où on peut fixer une politique nationale, l’appliquer. La France est dépendante de la politique des autres ».

 « La France est dépendante de la politique des autres »

Forcément, la Syrie s’applique à son raisonnement. « C’est une addition de brutalités, de complicités, d’ambiguïtés. Les brutalités de Daech et de Bachar Al Assad qui est un criminel contre l’humanité, les complicités avec la régime de la Russie et l’Iran car il faut bien les nommer et les ambiguïtés de ceux qui n’ont pas mis l’engagement nécessaire » analyse froidement Laurent Fabius, désignant ainsi notamment Barack Obama.  « L’horreur se répète à Alep » conclut-il tristement avant de mettre en garde : « La vague migratoire va être considérable et peut déstabiliser encore plus l’Europe».

L’Europe, sujet majeur d’inquiétude

Justement, dans le regard qu’il porte sur ses années diplomatiques, l’Europe ressort comme le sujet majeur d’inquiétude : « 2016, c’est une année à risque. Les difficultés à s’organiser face au terrorisme, la crise migratoire, montrent que l’Europe n’est pas fabriquée pour assurer sa sécurité et maîtriser les flux. Sur le Brexit, je ne partage pas l’optimisme de certains qui croient que les Britanniques voteront le maintien dans l’UE. Ce serait une crise majeure et cela pourrait entraîner d’autres pays vers la sortie. La France et l’Allemagne qui ont toujours été à la base des consolidations devront solidifier l’édifice ». Une façon de dégager une priorité pour son successeur ?

Pascal Jalabert (Le Républicain lorrain)