La livre sterling perdait de sa valeur mais les marchés boursiers grimpaient vendredi après le revers aux élections législatives des conservateurs de Theresa May, qui compte néanmoins former un nouveau gouvernement.
La monnaie britannique a baissé dès l’annonce des projections à la clôture des bureaux de vote jeudi soir et ses pertes se sont accentuées dans la matinée en Europe. Elle cotait 1,2756 dollar peu après 10h30, contre 1,2950 dollar la veille à 21h00, soit une baisse d’un peu moins de 2%. L’euro valait pour sa part 87,63 pence – après avoir atteint vers 06h50 88,59 pence, son niveau le plus fort en sept mois – contre 86,60 pence la veille. Du côté boursier, les places financières européennes étaient à l’inverse bien orientées. La Bourse de Londres montait de 0,65% vers 10h30. De nombreuses multinationales qui y sont cotées étaient soutenues par la baisse de la livre, qui dope la valeur de leurs revenus tirés de l’étranger, lorsqu’elles en convertissent le montant en monnaie britannique.
Les Bourses de Paris et de Francfort n’étaient pas non plus troublées par ce résultat inattendu qui renforce les incertitudes quant à la position britannique lors des négociations imminentes sur le Brexit. A Paris, le CAC 40 montait de 0,42% et à Francfort, le DAX gagnait 0,49%.
En Asie, les marchés boursiers ont aussi accueilli avec sérénité ces résultats électoraux qui affaiblissent la Première ministre conservatrice Theresa May. L’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a gagné 0,52% à la clôture, Séoul et Sydney ont aussi fini dans le vert, tandis que Hong Kong a clôturé en très léger repli. Le marché de la dette était également loin de paniquer: le taux de l’obligation d’Etat britannique à 10 ans reculait même de façon modérée, atteignant 1,012% vers 10H30 GMT – après avoir atteint vers 07H10 GMT 1,066% – contre 1,033% la veille.
Mme May, qui avait convoqué ce scrutin anticipé dans le seul but de renforcer sa majorité existante, a vu sa stratégie échouer. Si le Parti conservateur demeure le principal parti de la Chambre des communes, il y a perdu une douzaine de sièges, et l’opposition travailliste en a gagné une trentaine. Les conservateurs de Mme May ont perdu leur majorité absolue mais elle va néanmoins chercher à former un nouveau gouvernement, a annoncé son porte-parole.
Brexit plus doux ?
«Dans la droite ligne d’une année riche en surprises politiques, les élections législatives britanniques ont fourni un résultat inattendu, ou plutôt un résultat peu clair», a expliqué Michael O’Sullivan, de Credit Suisse. «Dans la perspective du Brexit, cela ne peut qu’endommager la position britannique – le Brexit sera négocié par un gouvernement affaibli, avec une opposition peu claire sur la place que doit occuper le Royaume-Uni dans l’Europe», a-t-il ajouté.
Craig Erlam, analyste chez Oanda, a souligné qu’il n’y avait clairement pas de panique sur les marchés pour l’instant, mais ajouté que la donne pourrait changer «si les discussions pour former une coalition échouaient et de nouvelles élections se profilaient». Depuis le référendum du 23 juin 2016 en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), la livre a déjà été mise à rude épreuve: elle a perdu quelque 15% de sa valeur face au dollar, plongeant à des niveaux inédits depuis 1985.
Mais d’autres économistes prédisaient un rebond de la livre à terme, dans l’espoir d’une ligne moins dure que celle prônée jusqu’à présent par Theresa May.La baisse de la livre «aurait pu être bien pire, cela pourrait refléter le fait que l’électorat a clairement rejeté le +Brexit dur+ promu par la Première ministre», a déclaré Russ Mould, directeur des investissements chez AJ Bell. «Nous allons sans doute voir une certaine volatilité aujourd’hui, mais une fois que les choses se seront calmées, l’espoir d’une approche plus douce et moins combattive (vis-à-vis du Brexit, ndlr) pourrait aider la livre tout comme le marché boursier britannique face à l’incertitude générée par cette élection», a-t-il ajouté.
Le Quotidien/AFP