Le Conseil constitutionnel a jugé vendredi conforme au droit la législation actuelle encadrant le travail en prison, contestée par l’avocat d’un détenu qui réclamait une nouvelle loi.
« Le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution », a annoncé l’institution dans un communiqué. Elle a cependant relevé qu’ « il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ».
Les sages étaient saisis d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée au nom d’un détenu du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne. Ce dernier avait saisi la justice pour obtenir l’annulation « pour excès de pouvoir » d’une décision du directeur d’établissement le déclassant de son poste d’opérateur au sein des ateliers de production de la prison. Son avocat, Me Patrice Spinosi, avait demandé aux sages de la rue Montpensier de déclarer contraire au « droit à l’emploi », garanti par la Constitution, l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009 qui confie aux chefs d’établissements le soin de réglementer les activités professionnelles de leurs détenus à travers « un acte d’engagement ».
Mais les sages ont estimé « qu’en subordonnant à un acte d’engagement » la participation du détenu « aux activités professionnelles » et en renvoyant à ce document « le soin d’énoncer les droits et obligations professionnels du détenu sous le contrôle du juge administratif », ces dispositions ne privaient pas le détenu des droits et libertés garantis par la Constitution. L’enjeu est de taille : 23 423 personnes, soit 35% des détenus, ont eu – en moyenne mensuelle – une activité rémunérée en 2014, soit 758 de moins qu’en 2013, selon l’administration pénitentiaire.
Des salariés comme les autres ?
« Toute personne ayant un minimum de connaissance de l’univers carcéral ne peut que constater la disparition de tous les droits liés au travail en détention », avait plaidé Me Spinosi.
« Soumis aux desiderata de l’administration pénitentiaire ou des entreprises concessionnaires, les travailleurs détenus peuvent être privés de repos hebdomadaire, ou ne travailler que quelques heures par mois, sans compensation des heures chômées. Ils n’ont le droit à aucune indemnité en cas de maladie ou d’accident du travail, ne peuvent prétendre au salaire minimum, ni se prévaloir d’aucune forme d’expression collective ou de représentation syndicale », avait dénoncé l’Observatoire international des prisons.
Chose rare, 375 universitaires, dont de nombreux professeurs de droit, ont signé une pétition réclamant la mise en place d’ « un droit du travail pénitentiaire tenant compte des spécificités carcérales ». Un collectif d’une vingtaine d’associations regroupant des avocats, magistrats, intervenants en prison et défenseurs des droits de l’Homme s’est joint au mouvement.
« La déception est à la hauteur de nos attentes. C’est une immense occasion gâchée », a réagi Patrice Spinosi, pour qui « le Conseil constitutionnel devait légitimement renvoyer au législateur le soin d’organiser le travail en prison ». Mais « nous allons continuer à nous battre devant le juge administratif et jusqu’au plus haut niveau pour obtenir satisfaction », a annoncé l’avocat, qui prévoit également les recours au cas par cas de détenus devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
AFP/A.P