Accueil | Actualités | La France, hôte de la COP21, est-elle écolo ?

La France, hôte de la COP21, est-elle écolo ?


La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal au Bourget le 5 décembre 2015. (Photo : AFP)

La France, hôte de la conférence de l’ONU sur le climat (COP21), est jusqu’à la mi-décembre au centre du monde de l’environnement. Mais est-elle écolo? Pas vraiment, jugent plusieurs experts.

Pour Christiana Figueres, la «Madame Climat» de l’ONU, Paris est comme une «lueur d’espoir pour le monde, éclairant la voie vers une meilleure humanité». Pas sûr que cette métaphore lyrique soit très évocatrice pour les Parisiens habitués à des ciels grisâtres et pollués…

Où en est vraiment le pays en matière d’écologie? La réponse de Yannick Jadot, député européen et membre du parti écologiste français Europe Ecologie Les Verts (EELV), est cinglante: «J’ai vraiment du mal à trouver un domaine dans lequel nous soyons un bon exemple pour quiconque. Le seul domaine dans lequel nous sommes leaders, c’est celui de notre rhétorique environnementale».

De bons discours mais très peu d’actions et un pays «très en retard», selon ce responsable écologiste, dont le parti, miné par des querelles intestines, reste néanmoins très peu influent dans le paysage politique national.

La France a adopté en juillet une loi sur la transition énergétique dont l’objectif est de diviser par deux sa consommation totale d’énergie d’ici à 2050. Elle prévoit aussi de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à la même date.

Cette législation va dans le bon sens, estime Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement, la Fédération française des associations de protection de l’environnement. Mais, ajoute-t-il, les mesures prises sont insuffisantes. «Le moins de cette loi, c’est qu’elle ne se donne les moyens d’atteindre que 30% des objectifs qu’elle se fixe».

Dans le domaine des énergies renouvelables, la France a pris beaucoup de retard. En 2013, leur part dans la consommation énergétique totale du pays était de 14,2%. La nouvelle loi vise 23% à l’horizon 2020. Un objectif qui semble difficilement atteignable. «Au rythme actuel (…), nous n’atteindrons pas l’objectif des 23% en 2020», juge Benoît Hartmann.

«Aucune excuse»

Ce retard s’explique par des choix industriels faits il y a plusieurs décennies. «La France était l’un des précurseurs en matière d’énergie solaire dans les années 1970 mais le lobby nucléaire est venu mettre fin à tout ça», explique Cyrille Cormier, responsable Energie chez l’ONG Greenpeace.

Depuis, la France est à la traîne, estiment les experts. «Nous avons très mal géré notre transition vers les énergies renouvelables. Pendant ce temps, l’Italie a vécu un boom du solaire tandis que l’Espagne tire maintenant 35% de son électricité des énergies renouvelables», constate M. Cormier.

Dans les transports également, la France est dépassée par ses voisins européens. Anne Bringault, de l’association Réseau Action Climat France, évoque notamment le retard des industriels français dans le secteur des véhicules hybrides. «En France, on commence tout juste à explorer la construction de véhicules au gaz naturel alors qu’en Italie, on compte actuellement 72 000 véhicules qui fonctionnent aux biogaz».

Et les centres-villes français restent envahis de voitures alors que plus de 200 villes européennes – en Angleterre, Allemagne, Italie… – ont depuis longtemps adopté des mesures restrictives de circulation.

Au quotidien, les Français sont loin d’être majoritaires à savoir effectuer à bon escient le tri sélectif des déchets. Le recours au plastique reste très présent dans les habitudes et dans le recyclage d’emballages de cette matière, la France reste dans le bas du classement de l’Union européenne, selon PlasticsEurope, la fédération européenne du secteur.

Pour les experts, le potentiel de la France dans le secteur de l’écologie est colossal.

«Nous avons des capacités gigantesques dans presque chaque domaine: l’éolien, le solaire, les forêts, les biogaz, mais nous n’avons tiré profit d’aucun d’entre eux. Nous n’avons aucune excuse pour ne pas être des leaders dans ces domaines», relève M. Cormier.

Mais alors qu’est-ce qui bloque en France? Benoît Hartmann évoque les conflits d’intérêts. «Quand l’Etat est actionnaire à 85% d’EDF (groupe Electricité de France), on comprend bien que c’est compliqué de dire aux gens +Consommez moins d’énergie+».

Surtout, la France souffre d’une absence de fermeté politique face aux lobbys, estime-t-il. «Que ce soit dans le domaine de la production d’énergie, du transport ou de l’agriculture, on a en France des lobbys très virulents qui tiennent nos dirigeants. Or, la seule force capable de s’opposer aux lobbys, c’est la volonté politique. C’est ce qui manque en France aujourd’hui».

AFP/M.R.