Quatre jours après des violences spectaculaires au siège d’Air France, la première rencontre entre la direction et les pilotes s’est «très bien passée», premier pas vers une reprise des négociations pour éviter d’appliquer la totalité du plan de 2 900 suppressions de postes.
«Ca s’est très bien passé», a glissé Philippe Evain, président du SNPL Air France (65% des voix), après une réunion de deux heures avec le PDG d’Air France-KLM Alexandre de Juniac et celui d’Air France Frédéric Gagey.
Était présent le directeur des ressources humaines, Xavier Broseta, dont l’image de la chemise arrachée lundi par des salariés en colère, a fait le tour du monde, éclipsant la manifestation inédite de 2 500 salariés et suscitant un concert d’indignations.
«On va continuer à travailler ensemble pour fixer le cadre des négociations à venir», a rapporté Véronique Damon, également du SNPL.
Les deux parties vont se retrouver «prochainement», aucune date n’ayant pour l’heure été fixée, a ajouté Fabrice Cueille, président du Spaf (21%).
Le deuxième syndicat de pilotes a demandé -sans succès- à la direction de «suspendre» son plan, «une menace qui pèse sur les salariés» et empêche de discuter sereinement.
Les négociations ont jusqu’à présent échoué sur la principale demande de la compagnie: faire voler les navigants une centaine d’heures de plus par an (+14% à 18% selon les vols), à salaire égal.
«Aucun chiffrage» n’a été évoqué vendredi, selon le SNPL.
Entre la direction et le syndicat, en bisbille sur l’application du précédent plan, le dialogue est très mauvais depuis la grève des pilotes il y a un an. Il était rompu depuis le 30 septembre, quand la direction a sonné «l’échec» des discussions.
Faute d’accord, Air France a remisé son plan de productivité et de croissance initialement prévu, «Perform 2020», et annoncé un plan «alternatif» de réduction de voilure sur le long-courrier en deux phases: cinq avions en moins en 2016, des réductions de fréquences et la non entrée dans la flotte de Boeing 787. Puis, en 2017, la sortie de neuf autres appareils et la fermeture de cinq lignes en Asie.
En tout, la compagnie a chiffré le sureffectif à 2 900 postes (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards, 1 700 au sol).
Appel à médiation de l’État
La deuxième phase du plan pourrait être évitée en cas d’accord sur de nouveaux efforts de productivité. De sources syndicales, Air France donne trois mois aux syndicats de navigants pour y parvenir.
Le SNPL a mandaté ses élus jeudi pour «négocier», dans un «triple objectif»: «maintenir l’emploi», «contribuer à l’amélioration de l’efficacité économique de l’entreprise au travers des efforts des pilotes» et obtenir de l’État l’assurance d’«un environnement économique juste et équilibré» pour la compagnie.
Le dialogue doit également reprendre en début de semaine avec les autres syndicats, dès lundi avec les stewards et hôtesses, selon l’Unac.
Un «bilan» sera fait «à l’issue des consultations menées toute la semaine prochaine, pour refixer un calendrier plus précis», a indiqué une source proche de l’entreprise.
FO, Unsa et CGT ont demandé vendredi au gouvernement de confier «sans attendre» à un «représentant de l’État», actionnaire à 17%, le soin de «trouver des solutions au blocage social».
Tous les syndicats renvoient depuis des mois l’État à ses responsabilités, pointant le niveau des taxes du transport aérien et l’octroi de droits de trafic en France aux compagnies concurrentes, du Golfe notamment.
La ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, qui a tutelle sur les Transports, a de nouveau évoqué vendredi l’hypothèse d’un «médiateur», «si le dialogue est difficile à renouer».
Après les efforts déjà faits depuis 2012 par les salariés (gel des salaires, perte de jours de repos, plus de 5 500 suppressions de postes en trois ans), qui devraient permettre à la compagnie de renouer avec les bénéfices en 2015, les salariés «se sentent aujourd’hui floués», soulignent également CGT, FO et Unsa.
Le Premier ministre Manuel Valls a eu «de la compassion vis-à-vis de la direction de l’entreprise, aucune vis-à-vis des salariés», s’indignent-ils.
En privé, un membre du gouvernement acquiesce en confiant qu’il aurait fallu aussi «dire que le plan social était violent».
AFP/M.R.