Emblème de l’action humanitaire d’urgence, la Croix-Rouge française est épinglée pour une organisation du travail « illégale » et « pathogène ». Face à cette mise en cause, l’association a récusé ce dimanche toute confusion entre travail et bénévolat et assuré chercher des solutions pérennes.
Saisie au printemps, l’Inspection du travail a rendu fin mars un rapport sévère sur le non respect par l’association de la législation sur le temps de travail, comme l’a révélé dimanche Le Parisien/Aujourd’hui en France. Le constat est fait d’une « organisation du travail illégale, dangereuse et pathogène », selon un courrier qui recense notamment pour 2014, 3 345 dépassements de la durée quotidienne de travail (10 heures), 291 dépassements de durée maximale hebdomadaire (48 heures), et 129 privations du repos quotidien minimal (11 heures).
La CFE-CGC avait alerté en février l’Inspection du travail sur les heures supplémentaires « non payées, afin de faire cesser ces pratiques. Et à notre grande surprise, l’Inspection du travail a relevé des infractions sur la durée du travail », dont « nous n’avions pas connaissance », raconte Eric Laurent, représentant CFE-CGC. Sur les 18 000 salariés de la Croix-Rouge française, les dérives concernent « environ 330 des 480 salariés du siège », rapporte M. Laurent qui évoque des horaires « délirants ».
« Au niveau du siège, ce sont les directions métiers d’urgence qui sont en grande majorité concernées par les dépassements d’horaires », assure pour sa part l’association d’utilité publique fondée en 1864. « Tous les domaines ne relèvent pas de l’urgence » mais du « travail classique d’entreprise », rétorque Eric Laurent désireux que « l’employeur Croix-Rouge respecte le cadre légal ». Mais là, on constate que dans « toutes les directions, tous les services et toute l’année, des personnels tombent sous le coup des infractions ».
Pour se défendre, la Croix-Rouge souligne être « malheureusement confrontée depuis de nombreuses années » à « la question des heures supplémentaires », une situation liée à son « identité » et « à sa mission: sauver des vies ! ». Au regard du Code du travail, l’argument ne tient pas. Les infractions constatées sont sanctionnées de 750 euros, soit une amende de plus de 2,8 millions d’euros. En incluant la rémunération due aux salariés et leur indemnisation au titre du préjudice subi, la facture pourrait atteindre 11 millions d’euros pour la Croix-Rouge, selon Le Parisien.
Et les injonctions sont également tombées. L’Inspection du travail demande « d’ores et déjà » à l’association humanitaire de donner à ses « subordonnés des directives pour que ces dysfonctionnements préjudiciables à la santé physique et mentale de (ses) salariés cessent immédiatement », selon un courrier.
Elle demande également « de communiquer dans les meilleurs délais les mesures organisationnelles adaptées afin de mettre un terme aux situations de surcharge de travail révélée par nos constats et d’assurer votre obligation de protection de la santé et la sécurité de vos salariés+ ».
Pour le syndicaliste, ce non respect de la durée légale de travail est « vraiment un problème d’organisation ». Les missions d’urgence et de secourisme de la Croix-Rouge, comme celles réalisées récemment au Vanuatu ou au Népal, « demandent une grande mobilisation et disponibilité » des salariés et 56.000 bénévoles, « quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, le jour de la semaine », argue l’association dans un communiqué.
« Loin de confondre activité salariée et bénévolat », la Croix-Rouge assure travailler « actuellement pour trouver des solutions » permettant « à la fois de continuer d’assurer les missions pour lesquelles la population a besoin de nous, tout en protégeant nos salariés ». La Croix rouge gère 600 établissements (urgence, secourisme, action sociale, formation aux métiers de la santé).
Rendez-vous a été pris avec le ministère du Travail « pour apporter des réponses efficaces et durables à cette question liée à la spécificité de nos missions », assure la Croix-Rouge française. Dans l’immédiat, elle va devoir dès juin négocier l’indemnisation des salariés non rémunérés pour tout leur travail. Selon l’Insee, 1,8 million de salariés travaillent à temps plein ou à temps partiel dans des associations en France.
AFP