L’Italie devrait connaître cette année la croissance la plus faible de l’Union européenne: en dépit du lancement de quelques réformes, la troisième économie de la zone euro paie l’incertitude politique, un manque de stratégie industrielle et la fragilité de ses banques.
L’Institut national des statistiques italien (Istat) a annoncé lundi prévoir une hausse du PIB de 1% en 2017, soit un peu moins que le gouvernement (1,1%). La Commission européenne table pour sa part sur 0,9%, ce qui ferait de l’Italie le seul pays de l’UE et de la zone euro à enregistrer une croissance inférieure à 1%. Quant au Fonds monétaire international (FMI), il est encore plus pessimiste, avec un petit 0,8%. Après avoir connu deux années de récession, la péninsule a renoué avec une très faible croissance en 2014 (+0,1%). Celle-ci a ensuite atteint 0,8% en 2015 puis 0,9% en 2016. Soit le meilleur chiffre enregistré depuis 2010, tout en étant pourtant… moitié moindre que la moyenne de la zone euro.
Cette faiblesse s’explique par une conjonction de facteurs. Au premier rang desquels: «l’instabilité politique, avec une incapacité à avoir des gouvernements stables qui peuvent perdurer à long terme et porter en avant leurs idées», estime Fabio De Felice, fondateur et dirigeant de la société Protom, qui offre des services de consultant et d’ingénierie avancée. Conséquence: il règne «une incertitude sur ce que sont les règles du jeu», explique-t-il. Le pays n’a non plus de «politique industrielle claire», de «stratégie sur: dans quelle direction décide-t-on d’aller? comment? sur quels marchés?», juge cet entrepreneur napolitain, qui évoque néanmoins une légère amélioration avec le plan du ministre du Développement économique Carlo Calenda.
Angelo Bruscino, président des jeunes entrepreneurs du syndicat Confapi, confirme: «personne n’est en mode de voir quelle est la stratégie (de l’Italie) sur l’énergie, sur la bureaucratie… Tout cela est mis de côté à la faveur des polémiques du moment». La politique engagée par l’ancien chef du gouvernement Matteo Renzi, qui a démissionné en décembre après la victoire du non au référendum sur une réforme constitutionnelle, comportait des «initiatives et signaux positifs», mais «tout s’est arrêté»: «il manque encore une centaine de décrets» pour pouvoir appliquer les lois, affirme-t-il.
« Besoin d’un choc »
L’attente des élections, qui auront lieu au plus tard début 2018, pèse sur l’économie du pays où le taux de chômage devrait s’établir à 11,5% cette année, largement supérieur à la moyenne de la zone euro (9,4%). «L’Italie a besoin d’un choc, d’une grande accélération dans les réformes, d’une grande politique industrielle, surtout en direction des PME-PMI, qui sont un axe majeur de notre économie», affirme Angelo Bruscino, qui dirige Ambiente Spa, une société spécialisée dans la récupération de matières premières issues des déchets.
Selon Fabio De Felice, la faiblesse de l’économie italienne est d’ailleurs aussi liée à la «fragmentation du tissu entrepreneurial, qui n’arrive pas à faire front commun, pour multiplier la valeur et les opportunités». Si nombre de PME-PMI excellent dans le luxe ou l’agroalimentaire, dans d’autres secteurs elles peinent à être compétitives et lutter contre la concurrence internationale. La fragmentation rend en effet plus difficile la réactivité face à un marché en constante évolution.
Autre obstacle majeur, d’après ces deux entrepreneurs: la bureaucratie. «Il n’y a pas de certitude concernant les temps de la justice, pas de certitude sur les règles», déplore M. De Felice. Pour créer une implantation novatrice dans la région de Naples, dans le cadre d’un projet italo-franco-allemand, «nous avons dû lutter contre la bureaucratie locale pour obtenir les autorisations, ce qui a retardé la réalisation du projet de 18 mois», explique Angelo Bruscino.
La lenteur de l’administration freine «la capacité à être productif, innovant», elle peut rendre obsolètes les changements que les entreprises souhaitent introduire, mais aussi mettre en péril la survie de certaines, estime ce dirigeant de 37 ans. Dernière difficulté et non des moindres: l’accès au crédit. Pliant sous le poids de quelque 350 milliards bruts de créances douteuses, des crédits risquant de ne jamais être remboursés, les banques ont coupé le robinet à crédit. Or sans prêts, pas d’investissements et donc pas de croissance…
Le Quotidien/AFP