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La controverse autour des livraisons d’armes françaises à Riyad relancée


L'Arabie saoudite, armée par les Occidentaux, a tué des milliers de civils au Yémen, comme ici lors d'un bombardement sur la capitale Sanaa le 16 mai dernier. (photo AFP)

La controverse sur les livraisons d’armes françaises à l’Arabie saoudite a rebondi mardi après de nouvelles révélations du media indépendant Disclose affirmant qu’un chargement de munitions devait avoir lieu sur un cargo saoudien dans le port de Marseille-Fos (sud).

Quinze jours après le rocambolesque épisode d’un cargo saoudien ayant renoncé à embarquer des armes françaises pour l’Arabie saoudite dans le port du Havre (ouest), un autre bateau, le Bahri Tabuk, doit prendre livraison de munitions pour les canons Caesar français, à destination de Jeddah, en Arabie saoudite, affirme Disclose.

Le sujet est éminemment sensible, ces armes pouvant être utilisées pour tuer des civils au Yémen, selon des ONG.

« Nous sommes en train de vérifier », a déclaré la ministre des Armées, Florence Parly, interpellée à l’Assemblée nationale sur ces munitions fabriquées par une filiale du groupe Nexter. « Et quand bien même ce serait le cas, cela serait-il étonnant? Non, car nous avons un partenariat avec l’Arabie Saoudite » a-t-elle poursuivi dans une ambiance houleuse, interrompue par un « vous mentez! » de François Ruffin, député de la gauche radicale.

« Stop au chargement d’armes en cours à Marseille! » a pour sa part lancé le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon dans un communiqué, tandis qu’un élu communiste de la région de Marseille, Pierre Dharréville, a réclamé « un moratoire » sur les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite.

Cette nouvelle livraison, si elle est confirmée, relance le débat sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition qui intervient depuis 2015 au Yémen contre les rebelles houthis soutenus par l’Iran. Cette « sale guerre », selon la formule même des autorités françaises, a fait depuis 2015 des dizaines de milliers de morts et entraîné l’une des pires crise humanitaires au monde, selon l’ONU.

«Oui c’est une sale guerre»

Le port de Marseille-Fos « ne servira pas à charger des armes ou des munitions », a assuré Laurent Pastor, un responsable syndical des dockers, promettant que le chargement serait « vérifié ». Selon Laurent Pastor, le chargement du Bahri Tabuk a été présenté comme du « matériel civil pour un projet lié à l’énergie » et est prévu mercredi.

De son côté, l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) France a indiqué qu’il déposait devant un tribunal administratif parisien un référé exigeant que soit levé le dédouanement, c’est-à-dire l’autorisation pour le cargo de prendre la mer avec son chargement.

Le 10 mai dernier, un autre cargo saoudien de la compagnie Bahri, le Bahri Yanbu, avait renoncé à accoster au port du Havre où il devait prendre livraison d’armes françaises. L’affaire avait été là aussi dévoilée par Disclose. Ce média indépendant a également révélé mi-avril une note confidentielle de la Direction du renseignement militaire (DRM), listant les armes françaises utilisées au Yémen et la possibilité qu’elles puissent toucher des civils.

Trois journalistes ayant participé à cette enquête ont été récemment auditionnés par les services de renseignement français, suscitant un tollé dans la profession qui dénonce une atteinte à la liberté de la presse. Le gouvernement français réplique invariablement que la destination et l’utilisation de ces armes sont extrêmement contrôlées et qu’elles sont utilisées à titre « défensif ».

« Oui c’est une sale guerre, oui il faut l’arrêter, oui il faut que les Saoudiens et les Émiriens arrêtent, oui il faut être extrêmement vigilant sur les ventes d’armes à l’égard de ces pays. C’est ce que nous faisons », a déclaré mardi  le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. « Nous respectons scrupuleusement » le traité sur le commerce des armes, a-t-il assuré.

Une source gouvernementale a également souligné que les contrats d’armements passés avec l’Arabie saoudite étaient respectés et ne violaient aucun embargo sur les armes. Mais les ONG dénoncent le manque de contrôle et l’opacité de ces transferts d’armement.

AFP